Essayez de vous souvenir de la dernière fois que vous avez écouté un disque et que vous êtes restés sans voix, sans comprendre ce qui pouvait se jouer ici, dans l’écoute. La critique du dernier album de
Dirty Projectors pourrait s’arrêter là. À cette déconcertante stupéfaction.
Sauf qu’on ne vous aurait alors pas raconté d’où viennent ces curieuses chansons et qui se cache derrière cette manière de chanter, de jouer, d’imaginer une musique si singulière. Ce qui serait bien dommage, car ce projet est en soi un peu fou :
David Longstreth, leader des
Dirty Projectors, a en effet décidé d’enregistrer des reprises de chansons tirées de l’album
Damaged de
Black Flag, autrement dit un monument du punk-rock US le plus radical, avec son groupe d’indie rock lunaire. C’est déjà surprenant, ça l’est encore plus quand on sait que le jeu consistait pour
Longstreth à ne pas réécouter ce fameux album et à puiser dans ses souvenirs parfois lointains pour concevoir ces reprises.
Le résultat est tout simplement magnifique et ne souffre aucune comparaison, tant avec les productions actuelles que passées. On pourrait éventuellement penser aux
Talking Heads, dans cette façon de mélanger pop, rock, funk et musique africaine - et j’en oublie, dans une atmosphère à la fois légère et profonde. Les arrangements sont d’une richesse stupéfiante, basés sur de nombreuses ruptures comme sur de longues respirations, le tout marqué par une certaine économie de moyens qui se rapproche de la tradition lo-fi. Une attention toute particulière est portée aux voix, un peu dans le même esprit que le
Yellow House de
Grizzly Bear, dont l’un des membres (
Chris Taylor) produit l’album.
Le chant de
Longstreth symbolise d’ailleurs à lui seul le travail entrepris sur ce projet. Totalement atypique, il désarçonne l’auditeur, pour mieux l’entraîner dans son univers. Car c’est bien cela qui frappe sur
Rise Above : au-delà de toutes les bizarreries qui pourraient n’en faire qu’un projet gadget, la musique qui nous est offerte ici touche en plein cœur, et séduit par sa fraîcheur et sa spontanéité.
Longstreth et ses acolytes nous prennent par la main pour nous emmener dans leur monde étrange et nous irradier de leur créativité, au cours d’un des plus beaux voyages musicaux de cette année.
Chroniqué par
Julien
le 30/04/2008