D'abord on a commencé par sourire jaune, fébrile et nerveux, face au nom posé sur le packaging classieux (comme souvent chez
Creaked qui a fait appel ici au designer français de chez
Drawcaliber,
Nicolas Chevaillier) :
Mesantropia.
On comprendra à l'écoute à quel point c'est ce terme, mi-psychanalytique mi-geographique, qui en dit le plus sur les intentions de son auteur. Un mot ancré là, extérieur, écartelé entre l'ambition de tout dire et le fait d'être isolé, quasi exclu, insaisissable, qui à lui seul rend périlleux toute prise de possession.
Tout le travail de
Samuel Vaney aka
Consor semble reposer sur cette distorsion, cette vis sans fin pointant entre expérimentation et réalité, entre l'abstraction et le vivant. Mais attention, aucune réthorique absconse et indigeste dans ce premier opus. Au fil de
Mesantropia, il évite ce genre d'écueil avec une certaine virtuosité (à un morceau près,
Aikon, Nokia à l'envers, concerto obsolète d'interférences de téléphone mobile), occultant toute forme d'adhésion unilatérale à une quelconque influence, préférant exploser la singularité du ressenti pour en diffuser toute une myriade de différents.
En prenant ainsi le parti de dessiner autant de paysages qu'il y a de sens mobilisables, donc de désirs,
Vaney trace les contours d'une musique électronique mouvante - de l'ambient au shoegaze le chemin n'est finalement pas aussi long qu'on pouvait le croire - à haute valeur addictive (l'anxiogène conclusion
Minotaur's Fall en est terrifiante).
Faisant le choix de la multiplicité - de la pop désuette du très second degré
Ersatz à l'anarchie mélodique de
Nigorb, bande son d'un carnaval de chantier menée tambour battant par un steelband de tourneur fraiseur, en passant par l'hymne composite
Monoski, le champ des possibles est vaste -
Consor prône l'équivoque comme alternative à tout ce qui se fige.
Mesantropia, sa musique en quelque sorte, devenant alors ce mouvement capable de fusionner le temps d'un instant éventualités spatiales et êtres disséminés, tout en restant elle-même insondable, impalpable. Semant dans la tête comme dans l'espace la plus belle des confusions.
Chroniqué par
Yvan
le 29/06/2007