Amon Tobin a toujours eu l'immense talent d'avoir sans cesse su se renouveler, à chaque album, sans que la qualité de son travail n'en pâtisse pour autant. Depuis le premier
Bricolage (et même avant avec
Cujo), il n'a eu de cesse de requestionner son approche de la musique. Très jazzy dans un premier temps, ses productions s'étaient peu à peu métamorphosées en quelque chose de complètement électronique, dont la paroxysme fut atteint sur
Out From Out Where. La B.O. de
Splinter Cell annonçait alors (peut-être ?) une nouvelle étape dans son cheminement. Gardant cette technicité bruitiste acquise au fil des années,
Chaos Theory semblait vouloir renouer avec les ambiances feutrées de ses premières productions. Plus qu'un retour aux sources, il s'agissait là d'une véritable tentative de synthèse entre la toute relative épure des débuts et le maximalisme dense et baroque d'un
Out From Out Where. Mais fallait-il prendre cela comme une véritable évolution dans son travail, ou comme une simple réponse au cadre particulier que constituait son dévouement à l'ambiancement d'un jeu ? C'est à
Foley Room que revenait la tâche d'y répondre.
Les premières notes, sur
Bloodstone, sont posées par
Kronos Quartet, un quatuor à cordes qui s'était fait remarquer, entre autres, pour sa prestation sur la B.O. de
Requiem For A Dream. Frappées et frottées, les cordes occupent tout l'espace de cette première pièce, précieuse ritournelle déshabillée de toute violence rythmique. Et si Amon Tobin se fait pour l'instant discret, il n'attendra véritablement qu'
Esther pour se laisser imploser. Pot d'échappement de bécane (réminiscence du titre
Boxer vs Golfer ?), basse vrombissante, beat sur-compressé aux résonances tribales, et quelques notes de piano qui virevoltent autour. Fidèle à ses habitudes,
Amon Tobin développe son morceau comme s'il s'agissait de la respiration d'un rêveur agité : soubresauts, profondes inspirations et étirements spasmodiques.
Keep Your Distance vient confirmer ce qui se pressent depuis le début de l'album. Qu'importe si ses compositions peuvent perdre en densité ou précision, le ninja préfère désormais s'attacher à leur conférer une cohérence presque "filmique". Evidemment, ce terme ne saurait être absent d'une chronique portant sur ce genre d'artiste. Mais il prend ici son sens non seulement dans l'aspect hautement réverbéré de ses morceaux, mais aussi dans la scénarisation à laquelle ils sont soumis. Notre homme se plaît à laisser durer le suspens avant de dévoiler toutes ses cartes.
On est ainsi surpris par le sensationnel
The Killer's Vanilla, tout en pudeur émouvante et tension romantique, confirmant
Amon Tobin comme la projection moderne d'un
Rachmaninov electrocuté. On quitte cet univers boulversant pour le minimalisme bruitiste de
Kitchen Sink. Une pièce de bri-collage qui sonnerait presque comme une collaboration avec
Matthew Herbert, avec cette épure mélodique, et qui assume à lui seul le concept de l'album, à savoir le "field-recording".
Les accents acid-jazz, qu'
Amon Tobin se plaît toujours à convoquer, n'apparaîtront que dans la seconde partie de l'album, portés par une batterie libre et foudroyante. Si
Always la laissera entièrement s'exprimer, des morceaux comme
Foley Room ou
Ever Falling s'amuseront à intercepter chacun de ses coups pour en faire des espèces de machines trébuchantes. L'album s'achèvant sur les pièces contemplatives que sont
Straight Pysche et
At The End Of Day
Chaos Theory n'était donc pas un simple essai.
Amon Tobin, le grandiloquent d'
Out From Out Where a bien laissé place à
Amon Tobin, le précieux de
Foley Room. Tout est savamment maîtrisé et chaque sample fait l'objet d'une délicate attention. Alors, il est vrai que la furie assourdissante dont il s'était montré capable par le passé n'avait rien de déplaisant, et certains regretteront peut être de le voir délaisser ses épaisses peintures surréalistes pour l'art soustractif de la sculpture. Ceci nous amenant à la grande question stérile et attendue du "mieux" ou du "moins bien" du nouvel opus d'un tel artiste. Bien entendu, il n'y a aucune réponse un tant soit peu pertinente à apporter.
Foley Room confirme simplement l'évolution qui pouvait déjà se deviner dans
Chaos Theory. Pas de grande surprise donc, mais l'excellent travail d'un artiste garant de pronfondeur et de subtilité.
Chroniqué par
Tehanor & Raf
le 22/03/2007
par Ov3rseer (le 23/03/2007)
il frappe une nouvelle fois, pour un résultat au délà de mes espérances. Des sons très organiques, pas mal poussé dans les aigus sans perdre de basse lourde au contraire, des mélodies à tomber par terre et une vision de la d'n'b /breakbeat affolante. Il se rapproche un peu plus de l'IDM d'Aphex Twin sur certaines pistes "expérimentales", moins accessibles, mais dans l'ensemble il conserve cette facette "musique de films" qui le rapproche un peu du travail de Jesper Kyd pour son côté sombre et puissant qui donne la pêche.
par Karlito (le 23/03/2007)
Ouais j'voulais juste féliciter l'auteur de la chronique tant il a su utiliser des mots et des images tellement parlantes pour quiconque a passé de longues heures à essayer de décrypter la musique d'Amon Tobin. Excellent album, peut-être pas meilleur que les autres, mais pas moins bon non plus. Une sorte d'évolution, de synthèse de ses travaux précédents (comme la chronique le dit fort justement), et les amateurs du bonhomme ne sauraient être déçus...
par V. (le 23/03/2007)
Tout à fait d'accord avec la chronique, un album intimiste,acoustique et surtravaillé.
Le celèbre brésilien vient de signer un coup de maître avec son nouvel album.