Des années à courir la planète à sa recherche. J'en aurai arpenté du bitume, traversé des mers dans l'espoir de la croiser, alors que tout un chacun, toi aussi peut-être qui lit ces mots, chaque jour de ta vie tu peux la retrouver à ton chevet. Combien de dragons chassés, de fatigues accumulées en espérant ne serait-ce que l'effleurer ?
A force de tenacité, épuisé, j'ai fini malgré tout par la retrouver, en glissant comme chaque fois que l'heure de ma quête approchait, un disque dans la platine :
Lullabies For The Warriors par
Greetings From Tuskan.
Nom prédestiné, ou concours de circonstances ? Peu importe ! Voilà juste un geste proche du réflexe qui devient la clé et apporte une réponse. Elle était enfin là... à ma portée... ma clarté... Morphée ! Je ne remercierai jamais assez Joëlle Phuong Minh Lê a.k.a.
Greetings From Tuskan de s'être aventurée, après ses travaux de vidéaste, dans le monde de l'électronica, d'avoir su éclairer ma piste, dresser ce pont et permettre cette rencontre.
Plus que l'image un brin désuette d'une rencontre tant attendue et réparatrice avec le sommeil, ce disque ravira tous les éclatés aux yeux cernés, les toxicos de la lune. Mais si cet album apporte le repos, ce n'est certainement pas par le subterfuge chimico-abrutissant d'une ambient Gardénal qui fleurit ces temps-ci. Non !
Greetings from Tuskan agit avec subtilité et méticulosité. En effet elle fait preuve d'une grande précision dans son approche musicale et entreprend à travers les douze titres de
Lullabies For The Warriors une opération à âme ouverte.
Quasi chirurgicale dans l'agencement des ambiances, elle parvient à tailler dans une matière brute faite d'un alliage de douceurs organique et textile, certainement extraites d'une autre planète, de purs joyaux sonores de chair et de soie !
A l'écoute de
Lullabies For The Warriors, on pense aux mises en apesanteur riche de naïveté des
Boards of Canada (
Winter Blossom transcende même les maîtres du genre) ou au plus lointain travail méthodique et interstellaire du
Brian Eno époque
Before and after sciences avec ses berceuses électriques en constante révolution autour de nos têtes (les morceaux
Always I will Love You. Always You et
I Chose to Know You sont exemplaires à ce titre).
Mais au-delà de la maîtrise de ses bases -
Greetings from Tuskan n'a assurément pas dû fermer ses Chakras aux multiples sirènes de l'électronica des trente dernières années - ce qui enchante et rassure à l'écoute de cet album, c'est qu'il y a encore des artistes pour jouer les passeurs, les catalyseurs.
Greetings from Tuskan est de ceux-là, capable au-delà de la candeur contemplative de ses comptines intemporelles (
This Half is mine et ses voix diaphanes), de n'asséner aucun lieux commun et de n'user d'aucunes de ces vieilles scies electro passéistes et obsolètes dont la hype se repaît actuellement. Le tout en prenant même le temps de dire merci (magnifique "Thank You" murmuré en fin d'album, ghost-track douce comme un dernier baiser avant bonne nuit).
Lullabies For The Warriors est bel et bien une ode à l'apaisement, une sorte de chemin creux (
Winter Blossom et
The Fourth of Never en sont les garde-fou) et sinueux, serpentant vers les nuages, aux rythmes des pulsations lentes et éthérées de mélodies que l'on rêve universelles. Et pour les guerriers insomniaques et autres accros à la nuit, qu'enfin nous ne sommes plus, rêver est loin, très loin d'être un luxe. Alors,
Greetings from Tuskan, c'est nous qui te remercions !
Chroniqué par
Yvan
le 10/12/2006