«
Clark» voilà un mot qui claque, qui craque, qui tape ; un mot qui est en fait un nom, celui de Christopher Clark anciennement connu sous le pseudo de
Chris Clark et auteur de deux superbes albums : le schizophrénique
Clarence Park (2001) et le sombre
Empty The Bones Of You (2003), tous deux sortis sur le label Warp.
Pour
Body Riddle,
Clark impose toujours sa production époustouflante chargée de « rythmes concassés », de « nappes charnelles » et d’un travail sur les textures unique, quasi poétique, créant un magma sonore abrasif et électrique dans une ambiance sombre et mélancolique. Mais ce qui étonne et qui diffère de ses précédents albums c’est l’apparition d’une batterie live et de l’utilisation plus poussée d’enregistrements et d’outils analogiques durant tout l’album ; finis les rythmes electro et les ambiances numériques froides (qui lui réussissaient quand même beaucoup), là le son est chaud, fragile mais tout aussi percutant; le son devient réel et de moins en moins artificiel.
Dans cet album on retrouve quand même les influences qui fondent la musique de
Clark.
Vengeance Drools illustre son côté hip-hop mutant ; ici un beat qui vous fait remuer la tête dès le début du titre s’arrête brutalement pour laisser place à d’étranges chœurs plutôt inquiétants, d’une sombre beauté. Autre titre plein de groove qui vous fera remuer les jambes,
Ted ; là c’est explicite
Clark veut s’en prendre au dancefloor avec un son lourd et une mélodie très efficace bien qu’une fois de plus il termine son titre en une bizarrerie grinçante. Tout cela crée une sorte d’abstract hip-hop neo-classique tordu, subtil et puissant.
On retient aussi le titre
Herzog qui révèle cette beauté froide et imposante qui fait la touche
Clark, avec ces mélodies qui ce meuvent dans un tourbillon de saturation créant un vertige euphorisant ; surgit alors de nulle part une étrange voix en distorsion nous transportant à la frontière du rêve et du cauchemar, c’est dense et c’est beau.
Autre étrangeté de cet album, le morceau
Roulette Thrift Run;
Clark nous y balance un hip-hop sous acid, funky et groovy où l’apparition d’un saxo trafiqué créé une sorte de free jazz totalement tordu.
Mais
Clark sait aussi nous émouvoir comme sur les titres
Frau Wave ou
Matthew Unburdened dans lesquelles des piano et des violons se lient pour s’envoler, créant une certaine mélancolie qui contraste avec des rythmes robustes et des saturations lourdes et physiquement percutantes. Quand vient
Knight Knucles (qui rappel très fortement le superbe morceau
Nannou d’
Aphex Twin) on est alors plongé dans la nostalgie de l’enfance, grâce à cette mélodie naïve aux xylophones évoquant des souvenirs poussiéreux mais attachants ; gai et étrange.
On termine alors ce songe (dont on ne sera jamais si c’est un rêve ou un cauchemar…) par
The Autumnal Crash, morceau ambient avec des envolées de nappes saturées qui rappellent un certain
Tim Hecker. La musique s’en va alors doucement comme si le rêve s’éloignait…et l’album se clôt.
Avec son nouveau pseudo
Clark affirme un nouveau style qui lui réussit puisque
Body Riddle est peut-être un des albums les plus personnels sortis cette année, cassant les frontières de la sphère « electronica ». Ici, il affirme le côté analogique et concret de sa production pour créer une œuvre originale, sombre et humaine à la fois, fragile et puissante.
Chroniqué par
Paul
le 03/11/2006