Ryoji Ikeda aurait pu devenir ce nerd minimal et conceptuel que tous les amateurs d’électronica ont rencontré un jour au détour d’un disque (certains sont toujours à ses côtés, d’ailleurs). Armés de concepts qui déménagent, l’animal se proposait (et vous proposait) d’entrer comme jamais auparavant dans la poésie des hautes fréquences et des sinusoïdes pures. Vous vous emmerdiez un peu, mais qu’importe, si l’avenir de la musique est là.
Dataplex, première composition issue des
Datamatics Series, je cite, « nouveau complexe d’œuves de
Ryoji Ikeda qui explore les potentiels esthétiques des données en utilisant les données elles-même, depuis leur transparence jusqu’à leur matérialité, depuis leur ultra-vélocité jusque leur hyper-diffusion », aurait pu donner dans ce genre un peu janséniste d’électronica. C’est sans compter qu’« il y a du funk » (phrase précieuse d’un autre nerd célèbre) dans
Dataplex, et que cela change tout. A commencer par l’ennui, aux abonnés absents.
Utilisant d’abord des hautes fréquences et des séries de données pures, pour produire une nappe sonore mince et ultra-minimale,
Ryoji Ikeda déploie peu à peu l’espace dans lequel il joue et qu’il traite et le décline en constellations multiples, il le multiplie, il le fait proliférer selon une parthénogénèse rigoureuse. Au fur et à mesure que la trame se densifie et se complexifie, un groove informatique fait son apparition, une rythmique spectrale s’insinue, le traitement pur des nappes et des fréquences mute vers une forme moins abstraite, plus physique, pas encore tout à fait dansante, et pas non plus dans ce refus hyper-mathématique du corps de l’auditeur. Œuvre qui vise à écrire, à inscrire de pures fréquences pour obtenir des effets psychoacoustiques variés (on se souvient de
Matrix, dont le contenu audible variait en fonction de la position et des déplacements de l’auditeur par rapport aux enceintes), la musique de
Ryoji Ikeda se dirige patiemment vers plus d’humanité. Saluons ce mouvement.
Chroniqué par
Mathias
le 13/07/2006