Avant-pop et
SMM, les titres des deux disques de la compilation
Idol Tryouts II, les deux facettes d'un même univers, car Ghostly International peut revendiquer un univers propre, et prendre par là sa place auprès des meilleures maisons de disques. Mais plutôt que des "recettes" auxquelles il serait vain de réduire la diversité des artistes accueillis, cette idée d' "univers" recouvre avant tout des critères d'exigence. Et deux disques ne sont pas de trop pour tenter de les appréhender.
Avant-pop, d'abord. Surtout pas "post-pop", il s'agit bien de revenir aux fondamentaux, en aucun cas de prétendre à un quelconque dépassement. Ainsi, pour
Skeletons & The Girl-Faced Boys,
Matthew Dear ou
Mobius Band, l'apport électronique s'assimile simplement à une grande rasade d'oxygène, les paresses et impasses de la démarche sont judicieusement évitées. Ces "fondamentaux pop" au service desquels l'électronique est requise, ce sont l'immediateté et la sensibilité, plutôt qu'un quelconque cahier des charges. De fait, la voix, parfois, n'est pas là, et elle ne manque pas le moins du monde. D'ailleurs, il faudrait dire, plutôt que "la voix n'est pas là" : des lignes mélodiques franches occupent les premiers rôles.
On n'a finalement pas si souvent l'occasion de découvrir des instrumentaux électroniques de cette qualité, où l'inventivité ne sacrifie pas à la mélodie.
Solvent s'engage au premier plan, assume ses notes. Pas d'échos flous, de glitchs brouillés dans
An introduction to ghosts et
Spin Cycle. La sensation y est clairement et directement exprimée dans des lignes synthétiques charmantes. Peu importe que les sonorités soient de source analogique ou digitale, la production lumineuse les fond dans un classicisme moderne. Avant-garde contre revival, progressisme et passéisme, des oppositions qui n'ont pas grand sens non plus à l'écoute du plaisir simple que prend
Daniel Wang à composer à partir de ses machines vintage. Il n'y a plus au fond qu'une musique présente et signifiante, souvent astucieuse en passant, vecteur aussi bien d'énergie cybernétique (
Kill Memory Crash) que de sérenité diffuse (les arpèges d'
Outputmessage). Ecoutez le morceau de
Mobius Band remixé par les
Junior Boys ; en comprenant que la nostalgie n'est plus un marqueur esthétique discriminant, mais juste une humeur à transmettre, on saisit un premier critère déterminant chez Ghostly : avant et par dessus tout, la mise en avant d'une "écriture" dans son sens le plus noble.
SMM, ensuite. Sensitive Minimal Melodies, peut-être. Du moins, des propositions ambient, des promesses à fleur de peau, d'élégantes épures electronica, des balbutiements d'humains qui apprennent à parler dans la machine, par la machine, épiphanies modestes, intimes et fragmentaires (
Love on a real train). L'oeuvre de quelques-uns des meilleurs de ce registre (
Greg Davis,
Tim Hecker) et d'autres jusqu'alors inconnus à nos oreilles, mais qu'on se promet de surveiller (
Kiln,
Lusine). D'emblée, Ghostly se positionne à la pointe de l'expression numérique qui divague ses humeurs et ses flux. Moins un genre surcodé qu'une solution qui a su gagner en popularité avec les derniers travaux de
Keith Fullerton Whitman ou
Fennesz, sans encore générer trop de clichés ni de déchets - sans perdre son charme, en fait.
On appréciera de ne pas tirer de conclusion définitive après les écoutes répétés de cette
Idol Tryouts volume II. Rien de plus et rien de moins que la présentation d'une équipe de bons ou très bons artistes et producteurs, tous suffisament personnels dans leur musique. La garantie d'une constance étonnante dans la qualité, pour un beau disque qui aborde accessoirement nos repères pop ou ambient sous leur meilleur jour. Ce qui rassure : Ghostly est moins une machine à slogans et à intentions qu'un label qui fait un travail de premier ordre de défrichage, de sélection et de diffusion. Alors bien sûr, vivement les albums, que cette matière tienne toutes ses promesses.
Chroniqué par
Guillaume
le 11/07/2006
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