Une route qui défile, une route bien connue qui mène on ne sait où. Album à écouter en road trip. Déjà, pour l’ambiance sixties qui s’y déploie avec virtuosité et ironie…
Juan Trip s’amuse, d’influences en influences, à parcourir les routes cabossées par l’usage, et à les parsemer d’étincelles nouvelles, avec l’insouciance de quelqu’un qui à chaque pas découvre toute musique comme si elle n’avait pas souffert le passage de l’histoire.
La qualification « musique de road trip » renvoie en effet à l’efficacité mouvante dans laquelle se déploient les seize morceaux de l’album
Consolation : le plus long fait 4 minutes 45 ; on est sans cesse confronté à des anecdotes, complètes, courtes, percutantes comme une nouvelle de Edgar Poe… En plus, tous ces petits éclairs apparaissent comme tellement familiers, reconnaissables et accessibles, qu’on ne peut s’empêcher de rentrer dans le monde de
Juan Trip. Et subrepticement… il nous invite au gré de ses ballades à trouver dans ces ritournelles révérencieuses envers le
Velvet Underground,
Pink Floyd,
The Pixies et
Mike Olfield, une atmosphère aussi prenante, formellement, qu’un
Massive Attack, et au niveau du contenu, innocemment personnelle. On perçoit des accents de post-rock, au niveau des thèmes, hautement mélodiques, et des arrangements très spatialisés, des nappes électro travaillées, précises, et suggestives. Les influences multiethniques de certains passages rappellent à quel point il faut garder en mémoire la diversité à la fois géographique et historique de la musique, qu’il faut constamment s’approprier pour s’en libérer.
Au gré de l’album, un petit thème à la
Dire Straits vient ponctuer les échantillons divers et volages de cet univers en mosaïque de
Juan Trip,
Intro Kitsch,
That’s My Kitsch, et
Outtro Kitsch. Une touche d’humour comme pour rappeler à quel point les étiquettes sont vaines et combien l’art se prête peu à l’appréhension historique. Tout art est actuel. A l’écoute de cet album, une sensation toute simple se fait jour : comme un souffle de simplicité et d’humilité qui donne envie de dire que l’enfermement d’un style de musique dans la case « galvaudée » est non seulement souvent inadéquate, mais qu’elle appelle une remise en cause subjective de l’appréhension de la musique. Le grand problème, c’est qu’on veut avoir rapport à l’art en spécialiste… A la place du mot « fin », pour ces histoires : faire taire le jugement et regarder l’horizon de la route.
Chroniqué par
Lou
le 19/06/2006