This is electro. Cette sentence, définitive, qu’on jugerait excessive et outrancière si c’était un autre nom qui était apposé sur la pochette, ne pouvait mieux traduire le contenu de ce coffret, best of retraçant 8 ans de carrière d’
Anthony Rother. Un titre en forme de mise au point, qui vient redonner sens à ce terme prostitué qui n’avait d’autre vocation que désigner ce son robotique, popularisé par
Kraftwerk, ayant participé à la naissance du hip hop, et développé depuis par une poignée de puristes passionnés dont
Rother n’est pas le moindre représentant.
Electro… Ecoutez le premier CD : ambiances sombres, kicks et claps millésimés, naïveté feinte et rétro futurisme, voix synthétiques, basses froides et répétitives, parfois rehaussées de bleeps, de nappes de synthés, de gimmicks acid ou 8 bits, tout y est. Le mot d’ordre de ce disque semble être le classicisme. Ceci s'avère souvent ennuyeux chez les faiseurs dogmatiques se bornant à la stricte observance de préceptes établis. Mais c'est un ravissement de tout instant quand c'est à une demonstration de force d'un artiste essentiel ayant longtemps donné le ton qu'on assiste. Les classiques (l'hymne 8bit
Little Computer People, très entêtant, ou l'impeccable
Die Macht) s'enchaînent aux perles méconnues, et
Rother nous bluffe par sa faculté de bâtir des mélodies sobres mais fortes. Si l'aliénation de l'homme par la machine est un thème récurrent de ce disque, il ne fait aucun doute que celles qu'on entend sur ce disque sont encore sous contrôle humain. Intestable, et d’une classe folle, même si la toute fin du disque, évoquant la période ambient/musique cinématographique sous influence
Carpenter de
Rother, peut s'avérer moins digeste.
Le second disque, regroupant ses productions les plus récentes, témoigne de son ouverture et de sa volonté de renouvellement.
Little Computer People retravaillé s'enrichit de gimmicks disco, on retrouve quelques morceaux ambient, mais c'est sur un autre terrain que la plupart de ses morceaux jouent : clairement ancré dans une démarche pop, prenant le risque de se brouiller avec ses fans,
Rother ose les refrains évidents, les montées, les basses rugissantes, les mélodies catchy, l’héroïsme, et laisse plus de place à sa voix. Le résultat : une succession de tubes en puissance, immédiats, sans faute de goût. On reste admiratif devant cette façon, rare, qu'on croyait réservée au meilleur de
Swayzak période
Dirty Dancing, de marcher sur les plates-bandes de l’electroclash tout en en évitant la vulgarité intrinsèque.
Un DVD vient compléter le coffret. Bien évidemment, c’est la règle du jeu, on y retrouve des clips des morceaux phares de
Rother. Leurs visuels cheaps, fortement déconseillés aux épileptiques, sont tout à fait dispensables, à l’exception peut être du clip de
Little Computer People, joyeusement regressif à l’image du morceau qu’il illustre (imaginez une animation de jeu vidéo antédiluvienne où Darth Vader, les Teletubbies, un curé et Bart Simpson se déhancheraient devant un trio de musiciens-polygones). L’intérêt de ce DVD réside plutôt dans l’enregistrement d’une performance live de
Rother, dans l’enceinte du mythique club FUSE. Un live remarquable de puissance et d’efficacité, devant une assemblée très réceptive. Un live qui nous fait un peu regretter d'être assis dans notre canapé devant la télé et pas dans un club sombre et enfumé à hurler avec la foule.
Un coffret conséquent, donc, nous offrant simplement le meilleur du meilleur.
Chroniqué par
Pek
le 23/04/2006