Ces derniers temps, le rock ne semble jamais plus à l’aise que quand il retrouve son caractère primordial, sauvage, ce que Wilfried Paris de
Chronic’Art appelle « la dimension rituelle, la fonction primitive, quasi religieuse que la musique devrait développer » : les récents succès de
Black Dice, Animal Collective, Sunn O))), Gang Gang Dance ou
Liars en sont la meilleure preuve. Même si ce retour à un rock-limite tient plus de la fiction qu’autre chose, tant la primitivité s’arme dans les cas sus-cités de sophistication.
Mais justement, c’est cette fiction que l’on recherche dans le rock’n’roll, cette construction d’un mythe à l’intérieur de la musique mais aussi hors-champ et qui va, sans que l’on ne puisse jamais mesurer son rôle exact, déterminer intégralement la perception que l’on aura de cette musique : pur effet d’une ère post-moderne où l’identité se définit par ce qu’elle veut bien livrer d’elle-même.
Donc, ici, nous avons affaire à une bande de malades mentaux, un quartet pour être exact, et qui signe sur le label des géniaux
Gang Gang Dance sans toutefois les égaler. Au menu, moins de psychotropes, moins d’hallucinations mais déjà la phase de descente et d’ascétisme :
East s’ouvre sur des percussions soigneusement réverbérées et des guitares qui s’égrennent avec circonspection, soutenues par quelques lignes de cithare. Descente parce qu’on ne peut pas voir, en même temps qu’une assomption à l’exotisme de cette musique, une distance critique dans le fait d’appeler
East un titre où l’on joue de la percussion et de la cithare.
Psychic Ills sait que la folie est une construction mythologique et exploite ce discours de la folie ; le groupe sait tout autant exhiber jusqu’à l’outrance discrète le code qu’il s’est choisi pour le dilacérer juste après (
Electric Life). La primitivité ici ne se sépare pas du formalisme et de l’observation par le groupe de sa propre fabrique musicale.
Ce qui leur permet de laisser de côté tout artifice psychédélico-psychotique pour se recentrer sur l’énergie de la musique : en témoignent les deux magnifiques
free rides qui closent
Dins,
Witchcraft Breaker et
Another Day Another Night, où le groupe exploite au mieux sa capacité à tourner en rond et/ou fou dans un même mode, un même accord. C’est ce qui leur permet, en dépit d’une identité encore très indexée sur les groupes sus-cités, de dégager une énergie communicative.
Chroniqué par
Mathias
le 13/04/2006