Album très attendu pour l’une des personnalités fondatrices de
Project Blowed!, ce
Magnificent City laisse perplexe : non qu’il soit foncièrement mauvais, plutôt parce qu’il laisse espérer de belles choses en même temps qu’il les déçoit. Egalement parce que les enjeux sont tels pour les deux musiciens que, forcément, le public a déjà eu le temps de nourrir une somme d’attentes plus ou moins satisfaites ici.
Pour
RJD2, c’est presque sa crédibilité de producteur hip hop qui est complètement engagée ici : après avoir été quasi canonisé de son vivant par un second album sur
Def Jux (
Deadringer) tout de même très surestimé, le producteur avait laissé froid un bon nombre de ses fans avec un
Since We Last Spoke qu’ils attendaient au tournant ; et pourtant, il avait prouvé qu’il pouvait fournir d’excellents instrumentaux avec les quelques productions pour l’album solo de
Diverse (
One AM), probablement ses meilleurs faits d’arme jusqu’ici. Un musicien étrange, évoluant entre le très convenu et le brutalement efficace, qui a clairement l’occasion, en s’associant à
Aceyalone, de se réinventer un statut de producteur au soleil. Et réciproquement, c’est l’occasion pour le MC de toucher un public bien plus large et de faire accéder
Project Blowed! à une reconnaissance largement méritée.
Si vous trouvez qu’à ce stade, l’article prend un tour de spéculation boursière, c’est peut-être qu’il y a dans cette association trop d’attentes pour n’être pas influencé par les noms des musiciens. En somme, l’auditeur sera indulgent parce qu’il s’agit de l’album d’un MC de talent associé à un producteur potentiellement bon, et sévère parce que leur album commun ne tient pas toutes ses promesses.
Les faits : alors que
RJD2 ouvre l’album en faisant le mariole à coup de samples sud-américains faciles sur
All for U et
Fire, et commence donc assez mal, le duo rachète en quelque sorte toute le disque sur un crescendo en trois parties :
Cornbread, Eddie & Me,
Mooore, et
Supahero. Un triplet gagnant qui est un véritable coup de poker, où le flow virtuose d’
Aceyalone épouse à merveille les dépressions digitales de
Mooore et les grooves efficaces de
Supahero. Le reste, qui tient davantage des deux premiers titres que des trois suivants, est un peu éclipsé sans être foncièrement déshonorant :
Solomon Jones ouvre une parenthèse amusante,
Sunday Mystery et
Disconected misent sur des samples plutôt classieux ; ailleurs,
A Beautiful Mine fatigue un peu.
Mooore, c’est ainsi qu’aurait dû sonner tout l’album : réunion d’impacts numériques exactement engagés dans l’actualité sonore et d’un phrasé entêtant.
Mooore, c’est aussi, un peu, ce qu’on était en droit d’attendre de
Magnificent City après un pareil titre.
Chroniqué par
Mathias
le 16/03/2006