Voilà le couple surprise de 2006! D’un côté, la voix rauque et ténébreuse de
Mark Lanegan, ex-
Screaming Trees et collaborateur régulier des
Queens of the Stone Age. De l’autre, celle plus sucrée d’
Isobel Campbell, échappée de l’aventure
Belle and Sebastian et de son projet
Gentle Waves. Une rencontre inattendue, initiée par la demoiselle, qui a composé la plupart des titres de cet album et en a assuré la production.
Dès le magnifique titre d’ouverture,
Deus ibi est, on ne peut s’empêcher de penser à certains duos mythiques de l’histoire de la pop. En tête, bien sûr, celui formé par
Nancy Sinatra et
Lee Hazlewood. Mais le jeu construit ici autour de l’opposition de ces deux voix rappelle plus encore les formidables rencontres qui émaillent
Murder Ballads de
Nick Cave (
Ballad of the broken seas en est l’exemple le plus frappant). Une dualité de ton qui permet encore aux compositions de cet album de rappeler aussi bien l’Ouest décharné des derniers albums de
Johnny Cash que les ballades acoustiques de
Simon & Garfunkel (
Black mountain comme une réminiscence de
Scarborough fair ).
Cette formule hybride trouve son paroxysme sur un titre comme
The false husband. La guitare et la voix de
Lanegan créent un blues rugueux, évoquant les tensions d’une ouverture de western, mais l’apparition d’
Isobel Campbell, soutenue par une guitare acoustique et des cordes délicieusement pop, ramène la mélodie vers un doux soleil sixties. Et quand sa voix se fait murmurante sur
Revolver, elle gagne encore en charme mutin, jusqu’à devenir irrésistible sur
(Do you wanna) Come walk with me ?, duo en forme de jeu de séduction.
La fin de l’album varie quelque peu, sans pour autant abandonner ce jeu de contrastes. Le rythme par contre se transforme, sous l’influence des percussions (
Saturday’s gone) ou sous l’impulsion d’une guitare plus enlevée (l’instrumental
It’s hard to kill a bad thing). Enfin, les derniers titres sont l’occasion pour chacun de s’offrir une virée en solitaire. Le mélancolique
Dusty wreath rappelle ainsi un saloon à l’heure de la fermeture,
Isobel Campbell susurrant une mélodie éthérée, alors que
Mark Lanegan impose une country dépouillée avec
The circus is leaving town, sa voix rappelant le
Leonard Cohen de ces dernières années.
A la fois homogène et varié par petites touches,
Ballad of the Broken Seas apparaît comme un mariage étrange et réussi entre country et pop sixties. Une formule qui doit autant aux deux voix réunies dans ce couple qu’au talent de songwriter d’
Isobel Campbell. Disque intemporel et maîtrisé, on espère que cette première collaboration ne restera pas sans suite, tant on en ressort séduit.
Chroniqué par
Christophe
le 31/01/2006