Le jeune label Asphalt Duchess rééditee le premier album de
Black Forest/Black Sea aujourd’hui introuvable, sorti en 2003 sur le label américain Last Visible Dog, désormais agrémenté de deux bonus tracks (une reprise de Robert Wyatt et une version alternative de
Lumpin throat) . Engouement de ces derniers mois pour le folk aidant (sous des formes variées, neo-folk hippy façon
Devendra Banhart, psychédélique made in
Animal Collective, ou classieux à la
Jose Gonzalez), on peut supposer que ce disque ressort à point nommé pour récolter de nouveaux suffrages. C’est tout le mal qu’on souhaite à
Black Forest / Black Sea, qui nous offre un premier album réussi.
Si la musique du duo formé par Jeffrey Alexander et Miriam Goldbe rappelle par instants la gravité suave de
Rachel’s (les phrases de violoncelle n’y sont pas pour rien), elle met avant tout à l’honneur une sorte de folk en partie improvisé aux idées larges. La noirceur pesante du premier titre semble d’abord augurer la tristesse empesée d’une musique de chambre (mortuaire). En réalité, de troublantes dissonances nous informent aussitôt sur les intentions du groupe : à cette solennité triste,
Black Forest/Black Sea assène insidieusement de lancinants coups de butoir rythmiques (
Black bird on gray sky)qui, alliés à la force corrosive d’effets électroniques bizarres, s’attachent à en saper les fondations fragiles.
L’univers sylvestre du groupe, nourri aux aux field recordings (chant d’oiseaux, bruits divers) n’est pas une jolie forêt enchantée, c’est un lieu ombrageux résonnant de ces expérimentations dysphoriques aventureuses, qui confèrent aux morceaux un charme singulier et entêtant.
Beautiful here est un canevas de voix féminine et de coups d’archets,
Sunday Market se délite tranquillement dans les stridences d’un sax en roue libre tandis qu’un violoncelle presque enjoué prend bientôt l’initiative, scandé par des percussions rachitiques.
Lumpin throat c’est le voyage pour pas cher, ambient pervertie façon
Asleep from day de
Chemical Brothers version low cost, qui nous fait survoler la canopée à peu de frais dans une nacelle bancale : une boîte à rythmes qui donne le minimum syndical, quelques notes ondulatoires d’orgue d’antiquaire et autres sirènes de guitare suffisent pour nous élever jusqu’aux cimes. La version alternative de
Lumpin throat qui clôt l’album, bulle psychédélique alanguie, nous élève encore un peu plus vers des airs raréfiés.
Black Forest/Black Sea, ou une étrange ascension de l’humus jusqu’au ciel.
Chroniqué par
Imogen
le 27/01/2006