A la tête du
London Jazz Composers Orchestra depuis 1970, le contrebassiste
Barry Guy n’en finit pas d’interroger la faculté qu’a l’individu de s’affirmer au sein d’un collectif là pour respecter des règles. Celles qu’un musicien doit suivre pour rendre une œuvre écrite, tout en évaluant les permissions d’y instiller un peu de Soi improvisé. Deux pièces enregistrées à dix ans d’intervalle illustrent ici le propos.
En 1980,
Guy menait un
Stringer long de quatre mouvements (
Four Pieces For Orchestra). Oscillant déjà entre jazz et contemporain, gestes déraisonnables et structures contraignantes, il dirige un ensemble d’une vingtaine de musiciens dans un univers de métal. Bande passante chargée de propositions variées, la première partie chancelle au gré des assauts du contrebassiste
Peter Kowald avant d’accueillir les percussions insatiables de
Tony Oxley et
John Stevens, ou le free appliqué du saxophoniste
Trevor Watts.
Continuant à distribuer les solos,
Guy engage
Kenny Wheeler à déposer sa trompette sur une suite répétitive et baroque, en guise de deuxième partie. Puis arrive l’heure des souffles :
Peter Brötzmann et
Evan Parker rivalisent d’emportement sur
Part III, quand le clarinettiste
Tony Coe préfère confectionner quelques phrasés courbes. En guise de conclusion, les batteurs reviennent le temps d’un grand solo, qui pousse l’ensemble à investir enfin un chaos revendiqué et intraitable.
Si
Stringer trouve naturellement sa place dans la riche discographie de la scène improvisée européenne de son époque,
Study II, enregistrée en 1991, échappe davantage aux classifications. Cette fois, l’orchestre bâtit une musique nouvelle tirant sa substance des expériences de
Berio ou de
Cage. Montent des nappes quiètes, écorchées tout juste par des notes multidirectionnelles échappant au cadre ou par quelques grincements promettant la charge à venir.
Grâce aux coups de
Paul Lytton, les musiciens trouvent la faille et s’y engouffrent à 17 : la contrebasse de
Barre Phillips, les saxophones d’
Evan Parker,
Trevor Watts et
Paul Dunmall, le piano retenu d’
Irène Schweizer, le trombone de
Conrad Bauer, surtout, imposent un marasme fertile. Ainsi,
Study II prouve qu’une décennie peut accueillir l’évolution. Et que la somme des documents la concernant peuvent servir une même idée sur un timbre différent. Deux élans parmi tellement d’autres, mais grâce auxquels
Barry Guy lustre les rayons rococo d’une musique exubérante et singulière : la sienne, et un peu celle de chacun des autres.
Chroniqué par
Grisli
le 06/01/2006