Quelques mois à peine après la sortie d’
Axes, voici déjà un nouvel album des quatre Anglaises d’
Electrelane. Enfin, nouvel album n’est pas l’expression exacte à utiliser ici.
Rock It to the Moon est en effet le premier album du groupe de Brighton, sorti en 2001 mais épuisé depuis longtemps, prédécesseur de
The Power Out. Too Pure a donc la bonne idée de rééditer cet essai initial, qui loin d’être une sombre tentative mercantile se révèle à la hauteur des récents travaux du groupe.
Plus proche du post-punk sombre et sous amphétamines de
Axes que de la pop variée de
The Power Out, ce premier album propose 11 titres 100% instrumentaux (à l’exception de quelques hurlements de rigueur et de fugaces effets de chœur). L’occasion de retomber dans ce que maîtrisent le mieux
Electrelane, à savoir de longues plages inventives, laissant la porte ouverte à l’improvisation et à un surplus d’énergie. Mais la nouveauté ici, c’est peut-être l’attention portée aux montages. Moins brutes que leurs derniers enregistrements sous la houlette de Steve Albini, les compositions de
Rock It to the Moon sont zébrées d’incises sonores discrètes mais efficaces. Les aboiements d’un chien, quelques bribes de dialogues, un accordéon comme repris d’une bande poussiéreuse ou encore une incursion dans les drones sur l’inquiétant
The boat.
L’autre différence de ce disque avec ceux qui le suivront, c’est la place prépondérante qu’occupent les synthés. Si ceux-ci seront encore présents par la suite, ce ne sera jamais dans des proportions aussi importantes. Ici, ils dégoulinent proprement, saturés, boostés ou drolatiques (la réminiscence du
Pop corn de
Hot Butter à la fin de
Long dark). Virant presque electrock sur
Blue straggler, ils sont une concurrence sérieuse pour les déflagrations de guitares dont ne se prive pas le groupe (
Gabriel,
Spartakiade). Moins écrasante que sur
Axes la musique d’
Electrelane parvient ici à atteindre un équilibre improbable entre saturation et hédonisme, qui la propulse vers un no man’s land inconnu aux confins de la pop et du post-punk.
Mais le plus beau titre de
Rock It to the Moon est paradoxalement celui où les synthés et les guitares disparaissent. Mené par un piano qui rappelle
Sing de
Blur (chanson oubliée, ressortie des tiroirs de
Leisure),
Many peaks se présente comme un instrumental au doux parfum de shoegazing, ouvrant la voie à une clarinette klezmer apaisée et à une trompette discrète, pour une formule mélancolique inédite et réussie.
Au grand jeu des rééditions, Too Pure marque des points avec ce premier album oublié d’
Electrelane. Maîtrisé et varié, il préfigure déjà la noirceur enragée d’
Axes et les contorsions mélodiques de
The Power Out. Mais plus encore, il confirme que le quatuor de Brighton compte parmi les meilleurs groupes du moment, refusant les genres comme les étiquettes, adepte d’une liberté rock euphorisante.
Chroniqué par
Christophe
le 05/01/2006