La Défense – Stage Urbain est un projet de randonneur urbain et égaré.
Michael Rüsenberg passe ses dernières heures libres à Paris à déambuler dans la Défense. C’est une chaude nuit de printemps, l’horloge est proche de minuit, il n’a pas plu depuis des jours : les escalators sont secs au point de jouer d’étranges mélodies aléatoires et mécaniques.
Rüsenberg décide de les enregistrer puis retourne plus tard sur les lieux afin de capter davantage le paysage sonore.
Il ne s’agit pas de faire œuvre d’urbaniste ou d’architecte sonore, ni de produire un document, encore moins de produire une ornementation ou un ameublement sonore : au contraire
Rüsenberg a cherché à écrire une pièce issue des impressions sonores que transmet le lieu à ses occupants : capter le génie du lieu, aller le déloger, le traquer. Découvrir la qualité spécifique de l’espace urbain que constitue la Défense.
Projet prismatique, puisque le disque inclut une série de remixes qui enserrent le projet-titre. Chacun des musiciens présents sur le disque a reçu de
Rüsenberg 76 fichiers sonores, originaux ou déjà manipulés, à partir duquel il a exploré le même espace, mais sans avoir entendu la composition de
Rüsenberg avant de proposer la sienne. Où l’on découvre qu’un même espace déconstruit donne des architectures radicalement divergentes une fois le tout réassemblé. Il faut donc prendre le terme de remix au sens large : moins comme des variations à partir d’un référent unique et nettement localisable qu’un exercice de reconstruction d’une base commune, sans point de référence.
Steve Arguelles propose ainsi un morceau ambiant solidement structuré par un beat tenant autant du hip hop que de la drum’n’bass tandis que
Bouhalassa s’inscrit dans une démarche tenant bien davantage de la musique concrète.
La Casa et
Delbecq, qui ajoute son jeu de piano inimitable au tout, sont davantage sensibles à la résonance des espaces sonores imbriqués les uns dans les autres que leur a proposé
Rüsenberg et délaissent le beat au profit d’une texture moins géométrique, en expansion.
Le projet documentaire disparaît bel et bien :
La Défense – Stage Urbain est moins une manière de cartographier un espace (ce qu’il est au début, pourtant) que de le dissoudre
in fine complètement, proposant une carte-cercle dont le centre est partout et la circonférence nulle part.
Rüsenberg et ses comparses rêvent de la Défense comme d’un lieu dystopique, à l’existence incertaine : bonne raison pour l’enregistrer, meilleur encore pour l’écouter.
Chroniqué par
Mathias
le 27/12/2005