Près de cinq ans après son enregistrement (1960), le
Free Jazz du double quartette d’
Ornette Coleman trouvait un écho en France. D’une improvisation collective à l’autre, le temps nécessaire à la formation d’une équipe de France capable de suivre la piste débusquée outre-Atlantique, intimidante de permissions et de pièges à éviter.
A la tête du sextette, le pianiste
François Tusques, qui se souvient de l’unique soupçon de direction musicale : « J’ai simplement demandé aux musiciens de jouer triste. » Initiée par les fulgurances cinglantes du contrebassiste
Bob Guérin, l’originalité s’impose au gré des instruments à vent de
François Jeanneau et
Michel Portal, de la répétition d’un duo d’accords de piano, et des changements de rythme insatiables signés
Charles Saudrais (
Description automatique d’un paysage désolé 1).
Branlante, la batterie conduit ensuite
La tour Saint Jacques, d’où l’on peut voir que
Tusques ne renie pas toujours les (re)trouvailles mélodiques, quand la trompette de
Bernard Vitet et la clarinette basse de
Portal enfoncent une note sur le thème, et que
Jeanneau s’occupe de fioritures sensibles sous l’influence des figures de
Coltrane et
Dolphy. Plus loin, une
Sophisticated Lady réinventée, moderne et déliquescente, concède un presque romantisme à l’explosion (
Description automatique d’un paysage désolé 2) ; un
Souvenir de l’oiseau rendu en musique par une régénération de vents impossibles à éteindre, transpose le tableau dans un ciel d’orage.
Pour sortir des tourmentes, la frénésie de
Saudrais sera nécessaire, invitant saxophone, clarinette et trompette à accentuer encore l’acharnement (
Souvenir de l’oiseau 2), avant d’atteindre un univers sombre, aux interventions brèves des solistes, du
Souvenir de l’oiseau 3. La tristesse emportée par la fougue,
Tusques peut soumettre à son équipe l’idée d’une conclusion imminente - notes au piano recouvrant l’effort collectif – et signer enfin une version française digne d’intérêt et faiseuse de promesses.
Chroniqué par
Grisli
le 12/12/2005