A l’évidence
Gerardo Frisina a du sang latin dans les pavillons. Quand il pratique le jazz, il produit un hommage jamais déguisé – et même ostensiblement exhibé. C’est précisément là que ce disque peut se montrer efficace, séduisant, ou irriter. Ouvrons impartialement le procès.
Les amateurs de jazz progressiste, tendance free et / ou théoricienne, et / ou électronisante (la jazz progressiste, le seul vrai jazz, entend-on ici et là) risquent de tiquer à l’écoute de cet album comme ils ont pu tiquer en écoutant
Stan Getz se lancer dans la bossa. Ceux qui adoptent une approche historiciste, ayant à cœur de défendre ce qui fait avancer le jazz depuis ses avant-postes vers l’avenir, n’accorderont pas – sauf erreur de ma part – de grâce à cet album.
Les amateurs de jazz plus traditionnel (le jazz traditionnel, le vrai, autre chose que les mixtures qu’on nous sert aujourd’hui, lancent d’aucuns), tendance acoustique, mélodique, options fête, danse et groove, sont à compter parmi les amateurs possibles de ce disque. A l’évidence ce
Latin Kick a été conçu pour ce type d’audience : peut-être même est-il un peu trop ciblé, trop évidemment latin. Tout dépend des papilles auditives de chacun, en somme.
Toujours est-il que
Gerardo Frisina maîtrise avec aisance les percussions et les rythmes de toute sorte, brassant dans sa besace samba, bossa, et autres musiques méridionales. Le tout couplé, comme il se doit, avec des cuivres omniprésents, ne manque pas d’argument pour égayer les fêtes et mettre en mouvement les corps. La musique de
Gerardo Frisina cherche le rythme en chacun de ses instants, et elle le fait en se dotant d’un gros son, percussions en avant du mix, pianos utilisés de manière avant tout rythmiques, plaquant des accords énergiques, production soignée. Quand elle se libère de ses héritages latins, cette musique se dirige vers des rythmes hypnotiques, répétitifs, et presque érotiques ; quand elle est dans l’hommage trop appuyé, trop évident ou exhibé (
Cortante, un classique que tous reconnaîtront), elle fait des boucles, voire des ronds.
En fin de compte,
The Latin Kickest un disque entier, peut-être trop monolithiquement méridional et traditionnel : on pourra apprécier ses parti-pris comme les trouver anecdotiques, voire les refuser. Je me garderais de trancher, pour une fois, afin de ne pas tomber dans le dogmatisme ou le militantisme crétin visant à imposer l’une ou l’autre des deux positions tenues ci-dessus : en face d’un pareil cas, chacun jugera en son âme et conscience. Après tout, les disques d’humeur joyeuse ne sont pas là pour déclencher des guerres (de chapelles).
Chroniqué par
Mathias
le 05/12/2005