Redécouverte par
Fat Cat et
Animal Collective pour lesquels elle accompagnait trois titres de
Prospect Hummer de son chant murmuré-à-l’oreille,
Vashti Bunyan, chanteusicône folk qui a connu un succès rapide avant de se révolter contre l’industrie musicale et de retomber dans l’oubli, revient aujourd’hui, 35 ans après ses premiers morceaux publiés, avec un nouvel album qui n’accuse en aucune façon les années passées loin du monde musical (qui sait de quelles chansons secrètes elle n’a pas accouchée ?).
Et surtout, pour ce retour qui se devait d’être décisif, la dame a su s’entourer de collaborateurs de choix, en tout premier lieu
Max Richter, auteur du
Blue Notebooks, à la production et aux arrangements. Et donc, on trouve là une sorte de rapport mythique entre un Pygmalion et sa muse sublimée. Qu’on n’aille pas penser surtout que Vashti n’est qu’un visage, un personnage ou une présence qui permettrait à un arrangeur-producteur talentueux de s’imposer : le noyau dur de cet album est bel et bien constitué d’un songwriting de grand beauté, délicat, fin, d’une simplicité extrême, possible seulement dans l’intimité d’un compositeur avec sa guitare et son piano : album à l’écriture avant tout personnelle, mais parfois retravaillée, développée, étendue, amplifiée par une écriture plus sophistiquée, comme c’est le cas sur
Here Before, où les glockenspiel, les percussions, les reverses discrets viennent magnifier et habiller un corps déjà fort beau et bien construit. Dans le développement de l’album, le premier couple de morceaux donne ainsi toute la mesure de ce que sera cet album, partagé entre purs chansons folks au piano ou à la guitare, et pièces davantage orchestrées et écrites.
Et même si le songwriting de
Vashti n’avait pas besoin nécessairement de ces arrangements pour accoucher de belles chansons, il semble en fin de compte que ce soient eux qui garantissent à ce
Lookaftering son équilibre et sa complexité, dans cet échange permanent entamé entre une compositrice à l’évidence de grand talent et un travail de production, d’arrangement, de complexification qui vient lui conférer une ampleur supplémentaire, presque collective, et faire passer cette écriture de son statut intimiste à quelque chose de plus large, en prise avec le monde et l’autre, les autres : musiciens, ou portraits croisés dans cet album, tout simplement.
Lookaftering, mot valise pour signifier le soin des autres, l’attention qui leur est portée. Flûtes, dulcimer, hautbois, harpes ou harmonium, voilà les formes sous lesquelles les autres (
Adam Pierce,
Joanna Newsom,
Devendra Banhart,
Robert Kirby,
Otto Hauser,
Kevin Barker) apportent leur petite pierre à cet album pour l’édifier en foyer idéal et collectif, petite bulle de quiétude sereine isolée du monde. Une arche de Noé sur laquelle il est vivement recommandé de s’embarquer.
Chroniqué par
Mathias
le 18/10/2005