Avec l’été, voici qu’apparaît un nouveau venu dans la grande famille canadienne née des racines de
Godspeed You Black Emperor!. Cette nouvelle branche a pour nom
Fifths of Seven et se développe dans la direction lancée par les premiers travaux de
Silver Mt Zion, perpétuée ensuite par les disques d’
Esmerine. Une filiation pas si surprenante que cela, quand on sait que dans ce nouveau trio montréalais officie la violoncelliste Beckie Foon, membre des deux groupes sus-cités. A ses côtés, on découvre Rachel Levine à la mandoline et Spencer Krug au piano et à l’accordéon, pour un line-up qui surprend par son aspect inhabituel, aussi bien que par l’absence de tout instrument réellement rock ou encore des sempiternelles violons.
Pas de véritable couleur post-rock sur ce premier album (bien que quelques passages puissent rappeler les groupes cités plus tôt), mais un patchwork varié, allant du folklore de l’Est comme du Sud à la musique de chambre ou contemporaine. Des influences qui, mises bout à bout, accouchent tout de même d’un disque homogène, où la mélancolie domine, mais dans des teintes plus claires que contribue à faire naître la mandoline. Mais ce qui frappe avant tout à l’écoute de cet album, c’est l’harmonie qui se dégage du trio, chaque instrument trouvant parfaitement sa place, sans pour autant faire de l’ombre aux deux autres. Si la mandoline semble parfois se profiler en soliste, le violoncelle (sur
Sweet grace for devious notamment) et le piano surtout (
Waiting) ne sont pas en reste, n’hésitant pas à brûler les planches pour retrouver la chaleur des projecteurs. Et quand Spencer Krug délaisse son piano pour l’accordéon, il transforme à lui seul les paysages que suggère la musique.
Si le morceau d’ouverture (
Rosa centifolia) rappelle l’Italie napolitaine ou encore la Sicile, le titre suivant (
Sweet grace for devious), porté par la noirceur contenue du violoncelle, ramène la musique de
Fifths of Seven vers les rivages d’
Esmerine, voire de
Rachel's, période
The Sea and the Bells. Cet équilibre fragile entre musique de chambre et musique contemporaine, lisse et rugueuse à la fois. La mandoline reprend le dessus sur
Out from behind the rigid belows, sans pour autant retomber dans l’été italien. La mélancolie se mue lentement en une forme d’inquiétude, née du thème répété des cordes et des nappes d’accordéon qui l’accompagnent, pour une note balkanique légère.
Waiting et son piano dissonant brise cette fausse quiétude pour une ballade minimaliste et instable offerte au seul instrument, rappelant les travaux d’
Erik Satie. Avec
Echoes from a wandered path, c’est un retour au Sud qui est amorcé, pour un mariage étrange qui entremêle l’Espagne et l’Orient dans une danse envoûtante. Enfin,
Bless our wandering dreamers offre un final sur le fil, où les mélodies qui précédaient se sont effacées, pour laisser leur place à une cacophonie maîtrisée, un chaos duquel émergent quelques instants de grâce à peine, pour s’éteindre sans y paraître.
Avec ce premier album,
Fifths of Seven convainc, se révélant être bien plus qu’un avatar supplémentaire d’une scène par trop prolifique. Quelque part entre
Clogs et
Silver Mt Zion, ou plus encore entre
Rachel’s et
Esmerine, le trio impose sa musique et ses envies, comme naturellement. Si des influences se font entendre et que la filiation transparaît par instants, cela n’enlève rien au charme de cette musique ni ne lui ferme les portes d’une certaine originalité. Un belle réussite.
Chroniqué par
Christophe
le 15/08/2005