Second album en solo de
Matt Elliott, en vacances encore de son
Third Eye Foundation,
Drinking Songs reprend les choses là où
The mess we made les avait laissées. Plus précisément, ce nouvel album semble se construire dans la lignée d’un morceau comme
The sinking ship song (auquel le titre
The Kursk offre un écho macabre). Exit donc à nouveau les beats drum’n’bass (à l’exception de l’ultime piste de l’album,
The maid we messed), pour une collection de chansons qui oscillent entre folk et ambiant.
Des chansons à boire donc, mais qui s’éloignent des rengaines de piliers de bar, pour s’inscrire plutôt dans les ivresses de rentrées tardives ou l’impression pâteuse du matin.
Matt Elliott esquisse sa propre définition d'un folk habité, s’éloignant à sa manière des modèles consacrés qui ont pu inspirer cet opus (
Tom Waits ou
Nick Cave). Dans son songwriting, il y a de la place pour l’amplitude, le goût du risque aussi. Impossible de définir tout à fait le genre de musique sur cet album. Les morceaux s’enchaînent dans un style hybride, où les mélodies minimales et légères de piano, guitare ou violon, laissent parfois apparaître d’étranges voix, qui susurrent plus qu’elles ne chantent. L’atmosphère ainsi créée donne l’impression d’une musique flottante, comme à voguer sur un bateau fantôme, en plein naufrage dans la bouteille qui lui sert d’écrin.
C.F. Bundy ouvre le bal, pour une longue ballade lancinante, aux accents brisés d’un
Tom Waits des grands jours, la voix en retrait et le violon pour les larmes. Format plus habituel pour le second titre,
Trying to explain, duo entre la guitare et la voix, tour à tour souffle et chœur léger, lourde et acoustique. Ballade au piano ensuite, avec
The guilty party, rappelant le
Nick Cave apaisé de
The good son, avant de se muer en un étrange cantique sans parole, dans une seconde partie plus éthérée. Suit
What’s wrong, véritable comptine de marins au rythme presque enlevé, et on se laisse bercer jusqu’à plonger, pour se noyer dans la folie lugubre de
The Kursk, long morceau à la noirceur légère, évoquant les derniers instants du sous-marin russe (« It's cold I'm afraid / It's been like this for a day / The water is rising & slowly we're dying / We won't see light again / We won't see our wives again »). Remontée des eaux troubles après pour deux chansons, mais
A waste of blood se termine dans un concert distendu de voix et d’échos, comme une chorale de marins fantômes, qui prépare la voie pour
The maid we messed, dernier morceau de l’album, long instrumental qui se termine sur une boucle drum’n’bass, martelée, comme figée.
Plus qu’un album à boire,
Matt Elliott nous offre avec ce
Drinking Songs un disque de marins, des bars du port aux naufrages inévitables. Le virage amorcé avec
The mess we made se précise un peu plus ici, pour donner naissance à une musique envoûtante, rencontre entre des instruments ancestraux (guitare, piano, violon) et un électronicien fatigué des machines. Une petite perle à l’atmosphère hantée.
Chroniqué par
Christophe
le 08/07/2005