La sortie du premier album de
Maxïmo Park,
A Certain Trigger, est à la fois surprenante et attendue. Attendue parce que, sorties de singles au compte-goutte et buzz qui monte peu à peu aidant –
Warp signe un groupe de rock ! – chacun attend de pied ferme
A Certain Trigger. Qui plus est quand le groupe s'inscrit dans le créneau mainte fois (re-)visité désormais du rock post-punk, revival 80 inclus. L'album de
Maxïmo Park sort donc auréolé d'une hype qui, une fois n'est pas coutume, n'est pas pour faciliter notre affaire. Surprenante sortie aussi parce que, justement,
Warp signe un groupe à guitares, une première dans l'histoire du label. Il y a évidemment un monde entre le dernier
Autechre et
A Certain Trigger. Faut-il oublier le contexte rock de ces dernières années ainsi que l'histoire de
Warp pour parler de
A Certain Trigger ? Oui et non.
L'oublier pour rendre justice à l'efficacité hédoniste et l'énergie que dégage le quintet sur ce disque, promesse de lives endiablés et bruyants. Ne pas l'oublier pour rappeler que cet album apporte assez peu de surprises en terme de musicalité par rapport aux dernières années, et ne risque pas de dérider les esprits blasés. Avec
A Certain Trigger, on est toujours en terrain connu : du rock, des guitares saturées, une basse vindicative, une batterie qui privilégie la grosse caisse, la caisse claire, les rythmiques carrées et binaires. Des références tournant autour de
Wire,
The Jam,
The Smiths (référence plus déclarée qu'entendue), qui rappellent aussi parfois le
REM première mouture, comme les arpèges de
Graffiti, de
Going Missing, de
I Want You To Stay ou
The Coast is always changing. Et aussi des synthés délibérément anachroniques, comme sur
Limassol ou
Signal & Sign, sans lesquels un disque post-punk ne serait jamais vraiment post-punk.
Restent à
Maxïmo Park l'urgence ("All I need is a certain trigger", chante Paul Smith sur
Once A Glimpse, avant d'entamer un refrain débridé, "I wrote my feelings down in a rush / I didn't even check the spelling" sur
Postcard of a Painting), l'énergie de la jeunesse – un des thèmes récurrents de leurs chansons et qu'on entend dans une phrase comme "I am young and I am lost / You react to my riposte" (
The Coast is always changing), énergie presque épique sur un titre comme
I Want You To Stay, joliment soutenu par un crescendo de claviers – leur colère aussi, qui éclate sur
Apply Some Pressure,
Graffiti,
Postcard of a Painting ou Limassol, la spiritualité de l'écriture et l'élégance de la musique. Parfois, ce sont des accents conquérants de toute beauté qui emplissent le texte, quand Paul Smith répète "What happens when you lose everything ? You just start again… You start all over again !" (
Apply Some Pressure). Autant d'attributs qui confèrent à cet album une indéniable fraîcheur et le sauvent de son manque d'originalité. L'amertume des ladds de
Maxïmo Park est assurément séduisante. A chaque auditeur de décider ensuite si elle lui suffit ou non.
Si chaque morceau a ses temps forts, l'album dans son intégralité est pourtant inégal, les titres phares que sont les deux singles –
Apply Some Pressure et
Graffiti – ainsi que l'excellent
Once A Glimpse ayant tendance à éclipser certains titres plus faibles comme
Kiss You Better ou
All Over The Shop. Seule faute grave, l'immonde
Acrobat, guimauve eighties synthétique qui vient lester l'album d'un poids pour le moins indigeste. Dommage, donc, que les derniers titres affaiblissent un tant soit peu un disque sans réel temps mort.
Avec
Maxïmo Park,
Warp délaisse le futur pour regarder et dessiner le présent : ce n'est déjà pas si mal, même si l'on attend forcément davantage de sang neuf et de prise de risque de la part du label de
Steve Beckett.
Merci à Azote pour ses conseils
Chroniqué par
Mathias
le 07/07/2005