Quelques notes mises en boucle d'un piano hésitant introduisent
Prayers From the Underbelly, performance d'
mJane enregistré, en 2003, au High Mayhem Festival de Santa Fe. L'enjeu veut que le quintet en place, emmené par
Molly Sturges, confronte instruments acoustiques et apports électroniques, tout comme parties musicales écrites et improvisées, pour présenter enfin un exercice vocal ciselé.
Ainsi,
Julie West et
Molly Sturges interprètent et vagabondent sur des évocations sophistiquées de morceaux en devenir. Ici, on chuchote auprès des descentes d'un oud fatigué des phrases qu'il rejoue sans cesse (
Pilgrim). Là, les voix adressent d'étranges incantations portées par des percussions sensibles (
Utterance) ou appellent à la révolte sans autre motivation que celle d'obtenir le désordre (
Summon).
Parfois, il arrive que la musique évoque les steppes asiatiques, quelques dunes de Syrie, ou un morceau égaré d'Irlande. Or, est offert aux voix le droit d'être de nulle part, et de ne pas chercher l'installation définitive. Les chants nomades doublent la complainte d'un harmonium avant de faire face aux bizarreries électroniques (
Edie). Ailleurs, hésitent entre l'accalmie (
(dis)solve) et les rythmes soutenus d'envolées superbes (
Pilgrim).
De chants de peine en prières perdues,
mJane construit une oeuvre importante. Sur le fil, toujours, mais pour s'y promener. On y trouve, enlacées, l'influence de
Meredith Monk et la singularité de
Mari Boine ; confondus, l'héritage de la musique minimaliste américaine et les témoignages hors-pistes de
Stephan Micus. Mais s'il est indéniable qu'on sacrifie ici à ces idoles,
Prayers From the Underbelly est aussi capable de libations païennes originales. De celles qui suffisent à singulariser une tribu jusque là inconnue du Nouveau Mexique.
Chroniqué par
Grisli
le 27/01/2005