Est-ce qu'il faut adopter la locution "free drum'n bass", comme on dirait "free jazz", et soumettre
Entreaty à une nouvelle catégorie musicale ?
Moins emphatiquement, on remarquera qu'avec son premier album, Franck Gière aka
Mark Spiler s'offre d'entrée liberté et évasion dans un genre parfois sclérosé.
A l'écart des influences "tribe" free-parteuses comme des galopades plus ou moins linéaires qui font la joie des clubbers Outre-Manche, Mark traverse en onze tracks des territoires exotiques, non-balisés. Entre deux averses de basses froides et saturées, ses breakbeats arrosent l'espace d'une pluie acide et aléatoire, pour ensuite s'effacer à l'occasion de pauses atmosphériques. Bien que la galette soit manifestement dédiée à l'écoute domestique, n'espérez pas trouver ici un liquid funk pour cocktails sages : le traitement sonore laisse les drums et les basses assez rêches, à peine parfois adoucies par des nappes de synthés, dont la première apparition sur
Globul Bleu est d'ailleurs assez tonitruante.
Un traitement sans doute lié à la formation d'ingénieur du son de Frank, dont l'autre réussite est d'avoir su éviter la superposition de couches "verticales" efficace au profit d'une spatialisation des éléments "en trois dimensions", d'une touche environnementale, comme sur ce
Virgin Forest qui, sur fond de percus, nous transporte dans une jungle luxuriante. Il maîtrise aussi la basse (l'instrument, l'organique), et on la retrouve souvent slappée et inspirée, notamment sur
Panic Jam ou
Sand.
Pour le reste, on appréciera la deepness du captivant
Good Monday (adaptée d'un certain
Mark O'Neil), l'exercice plus conventionnel de
Pushing, ou encore la mélodie familière de
For How Long. Autant de raisons qui font de
Entreaty une digression dans des broussailles breakbeat surprenante, aventureuse, et rafraîchissante, qu'on suit avec un authentique intérêt.
Chroniqué par
Guillaume
le 14/12/2004