Après
Silence In The Secret Garden il y a à peine quelques mois,
Kenny Dixon Jr aka
Moodyman replonge dans ses sorties maxis pour en tirer la substance d'un nouvel album. Son titre,
Black Mahogany, fait référence à l'opus "Mahogany Brown" sorti il y a cinq ans de cela...
Une déclaration d'intention ? On est tenté de le croire : "Black Mahogany" s'éloigne des transes vagues, presque synthétiques qui torturaient ses deux précédents longs formats (dont le magique "Forevernevermore") pour renouer avec les grooves organiques purement afro-américains déjà entrevus sur "Mahogany Brown". La formule est aussi simple que les vibrations sont pures : elle consiste en l'association de parties improvisées (claviers) ou live (chants, tout en tranquille suggestion) et d'une programmation métronomique, répétitive, hypnotique, qui mène jusqu'à une douce transe.
Sensuels, lascifs, les longs motifs de
Moodyman nous transportent par une matinée radieuse. La soirée, intense et excessive, est finie depuis quelques heures, un ami fait tourner
Black Mahogany sur les platines désertées. L'ambiance est devenue intimiste, quelques enthousiastes déjà réveillés en apprécient les ondes positives. Si simple, deep et serein,
Runaway est à l'image de chaque titre, un répertoire de sensations.
Les formats disparaissent derrière le plaisir de jouer la paix qui habite l'instant, et il n'est pas rare que des compositions absolument distinctes se succèdent subtilement au sein d'une même piste, comme pour en souligner le caractère éphèmère, et nous inviter à mieux savourer l'instant. Quelques thèmes, deux-trois accroches sont la base de longues variations dont la durée nous échappe. Une musique qui prend son temps, qui vit, tout simplement.
Généreux et chaleureux, classieux et naturel, cet album est loin d'une quelconque idée européenne de dance music / house music, et joue avec bonheur sur le seul registre des vibes originelles. Kenny a par ailleurs une manière toute personnelle d'utiliser les extraits d'ambiances (cris, applaudissements) pour les mêler au morceau comme une boucle à part entière, qu'il synchronise avec les autres élements de telle sorte qu'ils accompagnent flux et reflux de la musique.
C'est avec un réel plaisir qu'on écoute ce relatif retour aux sources de
Moodyman, qui renoue avec l'âme de Detroit et délaisse le mysticisme lo-fi pour affirmer des ambiances profondes, apaisées et radieuses. Et les violons de l'éponyme
Black Mahogany de conclure dans un climax impeccable...
Chroniqué par
Guillaume
le 23/05/2004