Second opus d’
Abstrackt Keal Agram sous le label Gooom,
Bad Thriller a la lourde tâche de succéder à
Cluster Ville, qui s’était imposé comme une des révélations de l’année 2003 en présentant un savoureux mélange hip-hop électro tendant parfois vers le downtempo. Privilégiant une démarche innovante, le groupe revient pourtant avec un album audacieux, pouvant déstabiliser quelque peu leurs fans de la première heure.
De toute évidence, le passage vers une electronica plus dense rythme l’intégralité de l’album, caractérisé par de nombreux clins d’œil à certains ténors du genre. En effet, si l’influence de
M83 (
Bad Thriller,
Rivière) est marquante, on retrouve également ici et là un brin de
Prefuse 73 (
Street Lamp Confession) et de
Boards of Canada (
Nato), confirmant la direction musicale plus contemplative prise par
Abstrackt Keal Agram. Et dans cet exercice, les deux compères accouchent d’excellentes surprises, comme le prouvent les envolées électroniques de
Rivière, le beat saccadé et le clavier de
Yo Rap, et surtout le superbe
Et La Nuit S’éternise, invitant le Rennais
Arm au micro. Véritable synthèse des éléments éparpillés sur
Bad Thriller, ce titre combine à merveille samples aériens, basses lourdes et breaks déstructurés en privilégiant ce côté évolutif qui a fait la renommée du groupe par le passé. Cerise sur le gâteau,
Arm délivre un couplet impeccable, décrivant un univers fait d’insomnie et d’enfermement qui s’adapte sans peine à la production cinématographique d’
Abstrackt Keal Agram.
Malgré ces incontestables réussites,
Bad Thriller peine pourtant à convaincre dans son intégralité, affaibli par certains morceaux nettement moins réussis. Ainsi, l’acoustique
Delta Boy ne peut éviter de déclencher le sentiment d’entendre un mauvais titre de
Mogwai, et les samples vocaux de
Nato ne parviennent pas à le sauver d’une linéarité plutôt ennuyeuse. Enfin, les faibles notes de guitares de l’anecdotique
Moore Choice ne contribuent pas à rehausser le terme de l’album, qui se clôt tout de même sur un remix intéressant de
Jason Lytle par
M83. Considérant que le disque s’exprime en tout et pour tout sur 36 minutes, ces quelques faux pas pèsent tout de même assez lourd à l’heure d’un bilan final qui se veut donc contrasté.
Disque pour le moins inégal,
Bad Thriller marque sans conteste une rupture par rapport aux anciens travaux d’
Abstrackt Keal Agram, qui ne semblent pas encore avoir trouvé la formule pour imposer leur évolution artistique de manière constante. Mais une fois ce résultat atteint, inutile de préciser que les prochaines sorties des deux compères risquent de faire très mal…
Chroniqué par
David Lamon
le 09/05/2004