Trois ans après la sortie extrêmement discrète de
Them,
Jel et
Dose One reviennent sur le devant de la scène dite alternative pour défendre un nouvel album pour le moins attendu. En effet, la réputation d’
Anticon n’a cessé de grandir depuis le début du nouveau millénaire, empêchant ainsi les deux acolytes de profiter d’un effet de surprise qui les avait tant aidés par le passé. De plus, après le virage opéré par Dose One avec
cLOUDDEAD, une question ne cesse de courir sur les lèvres des amateurs de la fourmi noire : Mais que vont-ils encore inventer ?
Réponse explicite :
The No Music, apportant son lot d’innovations et de surprises. Première constatation, le binôme original ne fonctionne plus en circuit fermé et tire profit des divers projets de
Dose en invitant
Why? et
Alias à la production. Effet garanti sur l’intrigant
Only Child Explosion, où les longues nappes expérimentales de
Why? laissent rapidement place à une mélodie enfantine et naïve dont il a le secret.
Alias, quant-à lui, triture sa MPC sur le beat ultra-rapide de
Live Trap, créant ainsi un terrain de jeu idéal pour le phrasé non moins accéléré de
Dose One.
Cependant,
The No Music prend toute sa dimension lorsque
Dose et
Jel se retrouvent en tête-à-tête, comme le confirme l’irrégularité rythmique de
Mouthfull et surtout le tubesque
Good People Check, où la programmation de
Jel se fait plus épurée et incisive que sur les autres titres. Malgré quelques baisses de régime, notamment sur le début de
Dark Sky Demo, celui-ci ne cesse de prouver son statut de producteur hors-pair, dont la discrétion ne parvient pas à cacher une évolution constante. Point culminant du disque, l’aérien
You Devil You achèvera de convaincre les plus réticents, pour peu qu’ils se laissent porter par les phases d’ambient qui concluent l’album.
Mais
The No Music est avant tout marqué par la forte personnalité de
Dose One, dont les envolées vocales se détachent encore plus de la moindre convention rapologique en vigueur. Sans aucun complexe,
Dose chante, reprend d’anciens gimmicks disco, débite ses vers à toute vitesse, parle et pousse de longs gémissements, utilisant ainsi sa voix comme un instrument à part entière. Au niveau lyrical, l’intéressé ne semble pas s’être assagi, tant la tâche de trouver une quelconque direction thématique au moindre titre du disque devient un véritable casse-tête. Excepté le cynisme cinglant affiché sur
Good People Check, les avalanches de private jokes et d’associations d’idées de
Dose ne cessent de se perdre dans une nébuleuse abstraite du plus bel effet. Quelques morceaux choisis : «You’ve got cancer of the hope, did you pray, did you wake yourself sick, did you paint your mirrors shot ?», «I’m still burning the bones of my strong arm over my mother, never unclenching the spoiled little stone in my skull to a sober». Intestable.
Malgré tout, la surenchère sonore et textuelle de
The No Music contribue à le rendre décevant lors des premières écoutes. Plus chargé que
Them, ce second opus de
Jel et
Dose One semble parfois libérer moins d’émotions, voire même les étouffer dans les passages les plus barrés qu’il contient. Pour ma part, ce sentiment fut passager, et la persévérance me permit de découvrir une facette supplémentaire de
Themselves, perdus dans leur propre cuisine et accouchant d’un album certes éprouvant mais toutefois abouti, drôle et entêtant.
Chroniqué par
David Lamon
le 30/04/2004