Mansbestfriend… Derrière ce mystérieux pseudonyme se cache le personnage atypique de
Sole, fondateur du label Anticon et membre attitré des
Deep Puddle Dynamics et de
So Called Artists.
The New Human is Illegal, parrainé par le label allemand Morr Music, fait office de concrétisation à plus large échelle du second album de
Mansbestfriend, uniquement distribué et amplement piraté sur internet il y a déjà plusieurs mois. Pour l’occasion,
Sole a retravaillé les douze titres d’origine et en a ajouté quatre, avec l’aide bienvenue de la crème des producteurs et instrumentistes anticoniens, à savoir
Jel,
Telephone Jim Jesus,
Why?,
Dose One et
Odd Nosdam.
Dans l’ensemble, la production de ce
The New Human is Illegal est à la hauteur des espérances mises sur le papier. En effet, la majorité des titres privilégient une atmosphère mélancolique et oppressante conférant au disque une identité solide et homogène. Une fois de plus,
Sole entretient avec l’aide de son G4 et de ses beatmakers fétiches le spectre de
Portishead, en privilégiant un hip-hop froid, teinté de samples vocaux et de breaks saccadés. Parmi les moments forts de l’album se détachent les nappes de synthé de l’industriel
Class Action Suit Against Earth, le violon et les breaks énervés de
Be Happy et la guitare acoustique de
Dream about Afghanistan or Oakland, qui achèvent de confirmer la qualité instrumentale de ce troisième album de
Mansbestfriend.
Ainsi,
Sole semble avoir conçu à peu de choses près la charpente idéale pour venir apposer ses rimes. Or, c’est à ce moment précis que le bât blesse. Pour faire court, cette nouvelle livraison de
Sole n’échappe pas au débat qui fait désormais légion en ce genre d’occasion, à savoir si l’intéressé vaut plus d’un cent micro en main. Et dans le cas présent, il faut bien avouer que le débit ultra-rapide et arythmique privilégié par l’artiste sur certains titres peut vite énerver et fatiguer l’auditeur le plus averti. Malheureusement, les exemples ne manquent pas, comme en témoignent de manière non-exhaustive les couplets à bout de souffle de
How To Be Rich N Powerfull et de
Victim Idol, comme le flow maladroitement saccadé privilégié sur
The Devil’s a Traveling Man.
Cependant, limiter le rap de
Sole à ces uniques composantes formelles serait une grave erreur, tant les textes de l’artiste méritent un intérêt tout particulier. Ainsi, au milieu de cette avalanche de mots se cachent de véritables perles lyricales, comme en témoignent le cynique
Be Happy et son assassin « Everyway you go there’s a mass suicide in the making », ou encore l’écologique
Ode to Clean Air, dénonçant les effets de la pollution. A noter que la plupart des textes de
The New Human is Illegal ont été écrits au cours de la dernière tournée de
Sole, ce qui leur confère une hétérogénéité et un droit de regard d’autant plus riches, si l’on fait l’impasse sur les freestyles élargis qui alourdissent considérablement certaines plages.
En définitive, si
Sole mérite souvent les reproches qui lui sont adressés, on peut difficilement nier que sa musique dégage une puissance et une sincérité hors du commun. En ce sens, la figure de proue d’Anticon parvient à transmettre sur
The New Human is Illegal sa révolte et son indignation dans toute sa splendeur, et ses erreurs ne semblent être que le revers d’une amertume difficilement maîtrisable. Voire même l’ultime expression d’un anticonformisme hautement revendiqué et nullement gratuit. Car au-delà de toute considération artistique domine un concentré de critiques acerbes dont il serait réellement dommage de se priver…
Chroniqué par
David Lamon
le 12/04/2004