Nouvelle sortie de chez
Idwet où l’on trouve réunis quatre des porte drapeaux de cette structure prometteuse, à savoir
Tepr,
My Dog is Gay (soit les deux moitiés composant
Abstrackt Keal Agram),
Robert le Magnifique et
Arm (Mc du
Psykick Lyrikah),
Hamlet est le fruit d’une longue et intense collaboration entre un metteur en scène de théâtre (
David Gauchard) et le label rennais.
Collaboration, réciprocité et échange ont émaillé de bout en bout ce projet novateur, inversant ainsi la tendance qui veut que les musiques soient cantonnées au rôle d’illustration sonore d’une mise en scène pré-établie. La volonté clairement annoncée ici était de travailler en premier sur la composition musicale pour ensuite s’atteler au travail de mise en scène. Un tel travail permet ainsi aux deux entités d’exister indépendamment l’une de l’autre, tout un chacun pouvant ainsi écouter et apprécier l’album sans avoir vu la pièce et inversement.
Exercice périlleux s’il en est, le résultat est cependant à la hauteur des espérances que l’on pouvait y placer : plusieurs passages de la pièce sont déclamés « dans le texte » (à l’exception d’une piste écrite et interprétée par
Arm) par sept personnes différentes, pendant que d’autres pistes restent purement instrumentales, et chaque fois reste ce charme discret issu de la rencontre de deux siècles et de deux mondes, la musique électronique et le théâtre, le sonore et le visuel, avec comme fil conducteur la tragédie shakespearienne séculaire, aujourd’hui réécrite.
La « touche »
AKA ou
RLM reste indéniable et clairement annoncée (
Laërte – Soupir réarticulé est ainsi une relecture du
Soupir articulé qui ouvrait leur premier album éponyme,
AKA, les scratchs de
RLM ou encore les lignes de guitares/basses souvent présentes au sein des deux formations ...) mais ce serait une erreur de se limiter à une telle approche : s’inspirant des grandes lignes directrices de la pièce, ceux ci ont su développer une vision dépassant leurs compositions habituelles pour s’immerger totalement dans cet « autre univers ». De l’ouverture annonciatrice
Horatio par
Arm à
Ophélie 2 – La folie, où tranquillement et insidieusement s’insère le chaos et la folie à force de distorsions et de cris étouffés, du funky (!!!)
Guildenstern & Rosencrantz à l’énigmatique et indolent
Ophélie 1, du très baroque entremêlé de scratchs
Les comédiens au lancinant
Hamlet 3 - le théâtre est l'endroit où je prendrai la conscience du roi, des phases rappées ou slammées
Polonius ou
Hier aux longues plages instrumentales contemplatives de
Ophélie 3 - L'enterrement, de cet ensemble émerge à la fois une cohérence établie et un imaginaire fertile.
Plus qu’une simple collaboration, c’est une véritable symbiose qui s’offre à l’auditeur, celui ci n’aspirant désormais plus qu’à une chose : se muer en spectateur de la dite pièce ...
Chroniqué par
Oropher
le 12/01/2004