Enregistré en seulement cinq jours à l’Athletic Sound de Halden,
6 confirme que la Norvège est terre de jazz. Si distinguer les legs de
Bitches Brew, de
A Love Supreme ou de
Head Hunters dans les œuvres de
Bugge Wesseltoft, de
Eivind Aarset ou de
Nils Petter Molvaer est encore possible, l’exercice est moins évident avec
Supersilent ; n’en subsistent que l’esprit, l’improvisation, et quelques instruments : trompette, piano et batterie. Contaminée par l’électro expérimentale de
Deathprod alias Helge Sten qui a produit l’album, la musique du quatuor est plus proche du jazz d’avant-garde de
Axel Dörner & Kevin Drumm ou de
Franz Hautzinger que de l’électro-jazz de ses compatriotes.
6.1 donne le ton. Fruit d’une libre improvisation, le morceau possède la richesse, la profondeur et la complexité des compositions les plus travaillées. Après une lente introduction alternant électro étirées et silences, il convie à une promenade dans une contrée étrange et angoissante au milieu des sons torturés aux textures insolites de Arve Henriksen et de Helge Sten et des percussions arythmiques de Jarle Vespestad. La musique de
Supersilent est semblable à une foule effervescente dont vous pouvez apprécier l’allure, mais pas les mille mouvements de chaque individu.
Poursuivant le chemin ambient abandonné avec
5, chaque piste propose une atmosphère prégnante ;
6.3 est certainement la plus impressionnante, la plus belle de toutes. Le contraste entre les frétillants aigus frénétiques et les basses funestes du claviers de Ståle Storløkken, une batterie brusque, tout concoure à créer un climat de peur qui siérait parfaitement à la B.O. d’un film de John Carpenter. L’intensité du morceau va crescendo et alors que vous croyez atteindre le paroxysme de la terreur, elle s’accroît de nouveau. Les oreilles pleines d’effrois, vous assistez à un final dantesque, une apothéose apocalyptique, conjugaison jouissive de beauté et de frayeur.
Egaré entre le jazz (
6.2), le post-rock (
6.4) et surtout l’électro expérimentale,
6 est une sublime suite de longues pièces, plus rythmiques que mélodiques, puissant maelström instrumental qui vous emporte et duquel vous ne pouvez plus ressortir. Oeuvre très exigeante, le quatrième album de
Supersilent ne s’apprivoise pas à la première écoute. Il apprend à être auditeur.
Chroniqué par
dfghfgh
le 14/09/2003