Young Team est le premier album connu et reconnu de
Mogwai après
Ten Rapids. C’est aussi l’album le plus difficile à écouter, car il affranchit par moments les frontières entre bruit et mélodie, entre calme et furie. Il vous surprend et vous fait sursauter, joue avec vos nerfs, la main sur le bouton de volume à guetter le prochain tremblement de terre, la prochaine tempête sonore suraiguë à la limite du supportable et en jeu stéréophonique, le prochain larsen dévastateur entre deux arpèges de guitares si calmes qu’il vous semble que votre système audio s’est soudain filtré. Seulement, tout comme dans la vie, il est difficile de goûter aux moments de calme de
Young Team sans avoir préalablement vécu ses moments de furie et inversement.
A partir d’une base rock progressif, le quatuor a agrémenté son crunch d’autant de cordes frappées, de vents électro-acoustiques ou d’enregistrements de voix sorties d’une vieille CB. La section mélodique est volontiers répétitive, fonctionnant par motifs successifs et progressifs, tant dans leur intensité que dans leur architecture, au sein de la structure des morceaux. Cette même section mélodique est parfois générée, non pas par une rythmique guitare ou des nappes de clavier, mais par une saturation guitare, claire, continue et persistante.
D’autre part, la basse est déliée, expressive et incroyablement distincte, avec un rôle prépondérant comme dans aucune autre formation "classique" de ce type. Ses arpèges, de manière assez novatrice, devancent ou parfois dépassent ceux des guitares. L’apothéose survenant au moment où les harmoniques des deux instruments complémentaires s’entremêlent.
Pour finir avec la section rythmique, le batteur sait quant à lui à quel moment éviter de taper sur sa caisse claire, pour nous déstabiliser sans nous laisser tomber.
Beaucoup conviendront que le chef d’œuvre de l’album s’intitule
Mogwai Fear Satan, qui démontre une fois de plus que la simplicité maîtrisée paie plus que la difficultée débridée. Assez représentatif du style de
Mogwai, ce morceau est aussi le plus accessible de
Young Team.
La voix féminine sur
Yes, I Am a Long Way from Home est celle de
Mari Myren, une amie Norvégienne du groupe, lisant un article de journal d’un étudiant norvégien leur étant destiné, mi-élogieux, mi-prophétique et dont voici la transcription :
"Cause this music can put a human being in a trance like state and deprive it for the sneaking feeling of existing.'Cause music is bigger than words and wider than pictures. If someone said that Mogwai are the stars I would not object. If the stars had a sound it would sound like this. The punishment for these solemn words can be hard. Can blood boil like this at the sound of a noisy tape that I've heard. I know one thing, on Saturday the sky will crumble together (or something) with a huge bang to fit into the cave".
Ce texte flatte l’ego du groupe mais se repent de ce pêché de Narcisse en préfigurant l’apocalypse, illustration idéale de
Young Team et egotrip légitime, n’étant pas, semble-t-il, issu d’une quelconque commande.
Si l’on devait comparer cet album de
Mogwai à ceux d’autres groupes tels que
Sigur Rós, ces derniers semblent provoquer un envol, une élévation, une évaporation, une abolition de la gravité tout en souffles et aspirations ; tandis que la musique des Ecossais vous invite à un retour sur vous même plus terrestre, en des phases plus entières, plus denses, qui vous collent les pieds au sol sans vous écraser. Vous vous sentez concentrés dans tous les sens du termes. Pour conclure, on peut donc dire que la musique proposée par
Young Team est introspective et surtout à l’extrême opposé de l’easy-listening.
Chroniqué par
dClem
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