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Florilège musicopathe

: #23 : Pépites Oubliées (premier semestre)



Retour sur quelques pépites oubliées de ce premier semestre 2021 écoulé, dont certaines premières œuvres remarquables...

Marina Allen - Candlepower (Fire)

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Douceur et beauté sont au programme de ce premier album de Marina Allen. Candlepower est court (7 titres, 20 minutes) mais détient déjà en lui de grandes promesses d'avenir pour cette jeune californienne influencée par les intarissables figures de la folk féminine américaine des 70's, Joni Mitchell en tête. L'album n'a hélas pas encore eu la portée médiatique qu'avait pu avoir le Titanic Rising de Weyes Blood en 2019 mais on y pense pourtant régulièrement : mêmes arrangements chamber pop aux petits oignons, même grâce vocale, même finesse d'un songwriting folk qui devrait mettre tout le monde d'accord. Entre quelques chansons miraculeuses de pureté (Oh Louise, Sleeper Train ci-dessous), Marina Allen compose aussi de belles ritournelles psyché dans lesquelles sa voix se dédouble (Belong Here), alterne spoken words et chant féérique dans Believer, et achève cet EP dans une forme de plénitude mélancolique avec la fabuleuse conclusion Reunion. Alors faisons court nous aussi : une grande chanteuse-compositrice folk est née.

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Dead Bandit - From the Basement (Quindi)

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A l'heure où le post-rock tel qu'on l'a connu émeut moins et semble avoir fait le tour de ses propres schémas comme en témoigne le dernier album sans surprise de GY!BE, il est toujours réjouissant d'entendre des propositions encore stimulantes et sortant des sentiers battus. C'est le cas de cette première œuvre de Dead Bandit, duo constitué du multi-instrumentiste canadien James Schimpl et du songwriter chicagoen Ellis Swan, qui louche plutôt vers le slowcore (Sedated ci-dessous) et le rock instrumental plus folklorique des Dirty Three. From the Basement porte bien son nom, plongeant dans les lointaines racines southern d'un desert rock tellurique tout en les faisant dialoguer avec des textures sonores plus contemporaines, quelquefois électroniques. Le patronyme Dead Bandit fait référence au Dead Man de Jim Jarmush, beau film dont l'expérience sensorielle et la musique originale signée Neil Young furent de toute évidence marquantes pour les deux musiciens.

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The Drin - Engines Sing for the Pale Moon (Future Shock)

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Que sait-on de The Drin ? A vrai dire pas grand chose si ce n'est que ce groupe a sorti 50 exemplaires d'une cassette distribuée par un label basé dans l'Ohio : Future Shock. L'aspect lo-fi et radicalement Do It Yourself de l'objet peut rappeler les albums que sortaient sous le manteau les géniaux Cleaners From Venus dans les années 80, le mélodisme jangle pop en moins. Le son est donc crasseux et caverneux, il sert des morceaux qui s'inscrivent dans une tradition cold wave à la Joy Division (Down Her Cheek a Pearly Tear ne serait-il pas un clin d'œil inavoué à Love Will Tear Us Apart) et synth-punk avec quelques touches dub et autres digressions psychédéliques. Un fourre-tout à la basse grondante qui, certes, ne propose rien de neuf mais qui offre tout de même un air de fraîcheur assez rare tant ce groupe semble se contrefoutre de sonner revival, faussement moderne ou à la mode. Si un esprit facétieux nous avait fait croire que cet album est un trésor caché des 80's, on serait sûrement tombé dans le panneau. N'ayons alors pas honte d'utiliser de grands mots tels que "authenticité" pour décrire cet Engines Sing for the Pale Moon fort galvanisant.

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Masayoshi Fujita - Bird Ambience (Erased Tapes)

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Cela fait maintenant plus de dix ans que le japonais Masayoshi Fujita enrichie une discographie s'articulant autour du vibraphone, invitant ce dernier à arpenter les territoires subtilement aventureux de la musique électronique (le compositeur ayant même collaboré par deux fois avec l'allemand Jan Jelinek). On retrouve dans Bird Ambience une palette représentative des facettes multiples du compositeur, révélant dans son ensemble une richesse qui se joue d'une part dans les structures façonnant des compositions à la confluence du modern classical (l'ouverture Bird Ambience) ou de l'ambient (Fabric clôturant l'album), et d'autre part dans le traitement sonore varié qu'il donne à son instrument, tantôt distordu par des effets parasites tantôt plus clair et mélodique. Ainsi chaque morceau surprend et amplifie le champs des possibles, de la mise à nu Anakreon aux explosions glitch et percussives de Stellar que n'auraient pas renié le Oval de l'album O en passant par les déflagrations rythmiques de l'excellente Thunder.

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Growing - Diptych (Silver Current)

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Nous avouons ne connaître le groupe Growing que de nom mais leur signature chez Kranky (label de Stars of the Lid, entre autres) au début des années 2000 sait toutefois retenir notre attention. Comme son nom l'indique, Diptych propose deux compositions seulement, deux longues pièces drone ambient de 20 minutes clouant chacune l'auditeur sur place, figé dans la matière sonore mouvante et fluctuante produite par le duo new yorkais. Nous ne pouvons que souscrire à la partie du dossier de presse présentant cette œuvre comme possiblement "the definitive headphone album of the year". Certains mal lunés nous retorqueront qu'il existe pléthore d'albums comme celui-ci, mais finalement pas tant que ça. Rares sont les albums ambient qui captivent l'attention de l'auditeur sur de telles lignes minimalistes, le maintenant dans un état méditatif plutôt que végétatif et l'amenant à penser au sens profond de la musique. L'immersion est totale.

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Buck Meek - Two Saviors (Keeled Scales)

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Nous avions craqué l'année dernière pour le sublime (double) album d'Adrianne Lenker, cœur et tête pensante du groupe new-yorkais Big Thief qui, alors en pleine période de confinement, emménageait dans une cabane forestière transformée en studio d'enregistrement de fortune pour y écrire son album le plus sensible et touchant à ce jour : Songs & Instrumentals. C'est aujourd'hui au tour de son acolyte Buck Meek de s'échapper en solo avec ce Two Saviors naviguant entre un folk rock chaleureux et une alternative country bien ancrée à ranger auprès de l'excellente œuvre de Steve Gunn. Portées par la voix fragile et nasillarde de l'américain, les chansons restent ciselées et alternent entre intimisme (Two Moons, Dream Daughter) et envolées plus électriques, renforcées notamment par le pedal steel (Second Sight) et un enregistrement rendant justice à la porosité des instruments (Ham on White) et aux sessions live. La petite constellation Big Thief continue ainsi d'afficher une sacrément belle constance dans ses œuvres, tant collectives que solitaires.

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Powerdove - Machination (Murailles Music)

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Bizarrerie, quand tu nous tiens. Il y a une décennie, la chanteuse musicienne et compositrice américaine Annie Lewandowski lançait l'aventure Powerdove, projet autour duquel gravitèrent quelques membres de la scène expérimentale américaine (John Dieterich de Deerhoof) et française (Thomas Bonvalet, guitariste chez les excellents math-rockeurs de Cheval de Frise puis en solo avec L'Ocelle Mare). Le terme expérimental peut effrayer, mais il faut parfois y voir en lui un alter-ego musical de la liberté, de cette envie de retranscrire les rêves les plus fous, leur donner une forme et ensuite les transmettre. Ces rêves là, Annie Lewandowski les a vécu en naviguant avec son compagnon sur un bateau agité par la mer Égée pendant dix semaines. Elle les a couché sur papier chaque matin pour qu'ils deviennent la matière brute de cet album accidenté confrontant l'émerveillement à l'effroi, le familier à l'étrangeté, la chaleur du soleil à la froideur des vagues. Machination est ainsi une œuvre d'excursion folk tumultueuse guidée par la voix si singulière de l'américaine.

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Elori Saxl - The Blue of Distance (Western Vinyl)

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Après le bleu Klein, le bleu Saxl ? La jeune compositrice américaine Elori Saxl signe une première œuvre de très haute tenue. La force de The Blue of Distance réside certainement dans le fait qu'il réussit à faire cohabiter des textures sonores différentes comme autant de liquides miscibles que l'on mélangerait afin de créer de longues compositions exemplaires de limpidité. L'album emprunte autant à la musique minimaliste dite répétitive, proche de Steve Reich, qu'aux effluves kosmische des synthétiseurs analogiques et nous offre un album ambient immersif aux arrangements néoclassiques soignés. Couleur du ciel pur, de la mer à n'en plus finir et donc de la sérénité, le bleu a inspiré à Elori Saxl une musique pleinement enivrante qui trouve dans ses deux pièces maîtresses (Blue et Memory of Blue, dépassant toutes les deux les 10 minutes) une forme d'absolu dans lequel affleure une émotion parfois bouleversante. Grand disque.



par Romain
le 10/07/2021

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