La première moitié des années 2000 voyait l'entrée tardive dans la cour des grands d'un cinéaste américain jusque-là réputé pour quelques succès hollywoodiens de bonne facture (Prête à tout, Will Hunting) et autres bizarreries (le remake plan par plan du Psycho d'Alfred Hitchcock). En s'inspirant de faits réels tragiques, Gus Van Sant s'engouffrait alors dans la brêche plus radicale d'un cinéma d'errance adolescente expérimentant la dilatation du temps et l'éclatement de l'espace à travers trois grands films constituant ce que l'on appelle maintenant la trilogie de la mort : Gerry (2002), Elephant (2003) et Last Days (2005).
C'est la première œuvre de cette trilogie que Sylvain Texier aka Ô Lake a décidé d'habiller de son piano délicat et flottant dans le cadre d'un ciné-concert pour le festival de cinéma Travelling. Servi une fois de plus par un enregistrement pointilleux mettant en valeur la matière sonore de son instrument, le rennais poursuit ici l'expérience contemplative de ce film hors-norme tout en l'emmenant aux abords de son propre univers que l'on définira volontiers de modern classical. Gus Van Sant avait choisi deux pièces du répertoire d'Arvo Pärt (Für Alina et Spiegel Im Spiegel) comme bande sonore de son film, soit deux sommets marquants d'un compositeur que l'on imagine être l'un des artistes de chevet d'Ô Lake, et dont le spectre rôde naturellement sur les titres les plus minimalistes de cette réadaptation (Alone, Lost ci-dessous). Le pianiste s'éloigne toutefois de cette référence imposante pour développer des motifs mélodiques aux légères touches électroniques. Gerry (Music Inspired by the Motion Picture) est disponible à cette adresse.
