Discographie pour le moins surprenante que celle de la jeune Laurel Halo (Ina Cube de son vrai nom), cette dernière redessinant à chaque nouvel album les contours de sa palette electronica protéïforme, plongeant ici dans de pures contorsions technoïdes (Chance of Rain, 2013) ou travaillant là l'hybridation des genres free-jazz, house et R'n'B' (Dust, 2017). L'américaine basée depuis quelques années à Berlin nous livrait cette année un EP aux confluences de l'ambient et de l'expérimental, poursuivant ainsi ses explorations sonores.
Morceau d'ouverture, morceau titre et très certainement sommet de ce nouvel album, la longue pièce Raw Silk Uncut Wood nous rappelle la phrase de James Joyce : "il n'y a ni présent ni futur, tout découle d'un présent éternel". Cette composition lancine en effet autour d'un axe fixe, donnant l'impression d'être à la fois figée dans le temps mais aussi stimulée par les forces du mouvement perpétuel. Aussi Laurel Halo ne nous avait pas habitué à autant de mélancolie dans ses précédentes œuvres, signées pour la plupart chez Hyperdub, et cette pièce évoquerait presque le minimalisme d'un Arvo Pärt, rien que ça. Avec ces nappes synthétiques rappelant l'orgue, ce violoncelle discret (celui d'Oliver Coates) venant accompagner l'extinction, ce lent et régulier mouvement de balancier proche de la berceuse, Raw Silk Uncut Wood offre à nos esprits un temps suspendu sidérant de beauté. Dix minutes et pas une seconde de plus, pour se recueillir, pour se souvenir, pour penser, pour panser, pour se dire au revoir et pour se dire à l'année prochaine.
