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Florilège musicopathe

: #12 (deuxième partie)



Deuxième volet de notre séance de rattrapage avec du beau monde. Au programme: la synth pop de Destroyer, l'afro-funk d'Ajate, le minimalisme inclassable d'Andrea Belfi, le modern classical d'Irisarri et la folk de Six Organs of Admittance. A suivre.

Destroyer - ken (Merge)

Après un rendez-vous quelque peu manqué il y a 2 ans avec l'inégal Poison Season, Destoyer revient avec une savoureuse madeleine de Proust 80's qui devrait faire, avec l'excellent American Dream de LCD Soundsystem sorti cette rentrée, un binôme efficace. Cependant, point de beats dansants voire détraqués façon Talking Heads période Remain in Light (1980) chez ce groupe préfèrant ne retenir de ces années que les nappes d'une synth-pop lêchée, les guitares liquides rappelant The Cure et les drum kicks et autres envolées de saxophone n'ayant pas peur du kitch. Rappelons toutefois que Destroyer est surtout l'affaire d'un seul homme, l'auteur compositeur délicat Daniel Bejar, et que ce dernier a construit depuis la fin des années 90 une œuvre pop précieuse avec quelques sommets notoires : Streethawk A Seduction en 2001 ou encore Kaputt en 2011, l'album de la reconnaissance tardive. Il est par ailleurs intéressant de voir l'évolution du songwriting du canadien au fil de ses albums, passant d'un rock lo-fi sur ses premiers efforts jusqu'à ce son classieux et sans aspérité parcourant ken (avec un k minuscule). Intéressant aussi d'entendre son chant s'éloigner progressivement des airs dylanesques et bowiesques des débuts pour s'approcher d'un crooning fragile et mélancolique rappelant celui du grand Peter Milton Walsh de The Apartments (souvenez-vous), ce qui n'est pas rien. Avoir la classe est une chose, la mettre au service de bonnes chansons en est une autre et Destroyer prouve avec ce ken qu'il peut mener sans trop se forcer les deux projets à bien.

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Ajate - Abrada (180g)

Pour sa première sortie, le label 180g frappe fort avec la signature de ce groupe japonais percussif en diable. Ajate c'est quoi ? La rencontre de l'afro-funk et d'une musique traditionnelle nipponne appelée Ohayashi. Ajate c'est qui ? Un collectif de 10 musiciens dont une poignée fabrique à la main ses propres instruments à base de bambou. Le Do It Yourself a encore de belles heures devant lui. Ajate c'est bien ? Oui, clairement oui. Avec Abrada, le groupe couche sur disque six de ses compositions, restant fidèle à ce que peut donner à voir et surtout entendre le groupe en live depuis 6 ans, c'est-à-dire de longues transes à l'emballement rythmique confinant souvent à l'hypnose. Une hypnose qui fait toutefois bouger le popotin. A trop chercher l'originalité et le chamboulement dans le flux incessant des musiques actuelles, on s'attache parfois à ce type d'album brut (comme on parle d'Art Brut) revenant à des formes purement primitives et avant tout essentielles. Dorénavant, on surveillera la suite du catalogue de 180g, label souhaitant se spécialiser dans le dénichage de la scène underground japonaise et l'importation de ses talents locaux confidenciels.

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Andrea Belfi - Alveare (IIKKI)

Autre nouveau label, celui-ci étant créé par le français Mathias Van Eecloo à qui l'on doit déjà le fabuleux label ambient et cartographique Eilean (Toàn). IIKKI souhaite proposer une série d'objets très classieux, à savoir des livres-vinyles réunissant deux artistes, l'un musical et l'autre photographe, plasticien ou autre, en ayant l'optique de faire dialoguer leurs univers respectifs. Soit dit en passant, les premières propositions du label sont déjà de haute volée puisque c'est Taylor Deupree et Marcus Fischer (dont nous reparlerons prochainement) qui participe à la dernière en date : le beau lowlands. On retrouve sur ce Alveare les compositions percussives, minimalistes, souvent introspectives et parfois crépusculaires de l'italien Andrea Belfi avec comme accompagnement les architectures déshumanisées de l'artiste Matthias Heiderich (visibles ici). Le résultat est une fois de plus passionnant et dans la droite lignée de ses deux prédécesseurs, les excellents Wege (2012) et Natura Morta (2014), soit une œuvre axée autour d'une batterie tentaculaire légèrement kraut sur les bords rappelant quelques fois le jeu singulier de Martin Brandlmayr, batteur chez Radian et Trapist, celle-ci est aussi parsemée de crépitements et autres glitchs électroniques. Moins cérébral que purement organique, Alveare est un album se laissant guider par des ondulations étranges dont seul lui semble détenir le secret. Et pour encore longtemps.

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Rafael Anton Irisarri - The Shameless Years (Umor Rex)

Nous avons peu évoqué Rafael Anton Irisarri sur notre site, pourtant l'américain est devenu en quelques années une valeur sûre de la scène drone, ambient et modern classical, trois genres séparés par des frontières plus ou moins minces selon les cas et dialoguant souvent ensemble. Sa discographie a débuté sur Miasmah en 2007 avec un Daydreaming au piano omniprésent puis s'est poursuivie ailleurs avec des œuvres puissantes et hantées jusqu'au sublime A Fragile Geography de 2015. Succéder à un chef d'œuvre n'est jamais une mince affaire mais avec ce nouvel album, la cote du compositeur n'est pas près de redescendre. The Shameless Years est empli de compositions qui n'en sont pas, qui seraient plutôt de grandes vagues venant submerger lentement notre écoute impuissante et légèrement abasourdie. The Shameless Years est constitué d'empilement de sons en expansion, des nappes aux textures tantôt limpides tantôt granuleuses préparent longuement un double final (Karma Krama / The Faithless) nous plongeant dans l'immensité de ces abysses que peu de compositeurs atteignent (on pense notamment à Lawrence English ou Abul Mogard).

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Six Organs of Admittance - Burning the Threshold (Drag City)

Cela fait bientôt 20 ans que le guitariste Ben Chasny poursuit tranquillement son bonhomme de route sous le nom de Six Organs of Admittance, empruntant seul ou accompagné soit la voie de la transe shamanique et des longues embardées psychédéliques (sur River of Transfiguration par exemple) soit la voie d'une folk flirtant avec le classic rock sans pour auntant se freiner sur quelques prises de risque. En résulte une discographie consistante, sans fausse note, assez diverse quoique toujours traversée par un amour certain pour la musique des années 70. Pur condensé des talents mélodistes de Ben Chasny dans un registre que l'on qualifiera presque de "format pop" pour l'américain, Burning the Threshold est à ranger aux côtés de quelques illustres prédécesseurs (Shelter from the ash en 2007 ou Asleep on the Floodplain en 2011). L'album s'offre alors comme une collection de chansons folk-rock où le picking folk du guitariste fait des merveilles. Les pieds sur terres et la tête dans les étoiles, ce dernier nous fait partager ses chansons chauffées au feu de bois, des chansons au dosage parfait entre le rustique, le doucement psyché, le calme et l'électrisation. Nul besoin de préciser que notre plaisir à écouter la musique de Ben Chasny est depuis tout ce temps resté intact.



par Romain
le 04/11/2017

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