Complexité des sens: Low est un groupe que j'ai toujours adoré pour des raisons que j'ignore plus ou moins. Sa lenteur excessive n'avait tout d'abord rien pour me plaire à un âge boutonneux où l'on est plus enclin à être impressionné par le spectaculaire et les musiques dites "rebelles". Mais la vraie rebellion se tapissait très certainement là, c'est-à-dire dans cette manière de ralentir les compositions pour mieux laisser deviner l'intensité secrète qui les anime de l'intérieur. C'est un élément primordial qu'avait déjà compris Codeine quelques années avant eux en faisant du Nirvana sous endorphines, on appelait alors ça le slowcore. Mais Low c'est encore autre chose. C'est déjà une discographie exemplaire sur la durée - plus de 20 ans -, riche d'une douzaine d'albums dont on ne cesse de revenir avec une passion intacte, comme si ces derniers recueillaient en eux une force discrète née de la pudeur de ses deux voix complémentaires, celles du couple Alan Sparhawk et Mimi Parker.
Du séminal I Could Live in Hope (1994) au merveilleux Ones and Sixes (2015), album-synthèse d'une discographie essentielle, ce trio du Minnesota a traversé majestueusement le temps tout en sachant insuffler à son minimalisme de nouvelles composantes. On peut citer pêle-mêle la légèreté de la pop de Things We Lost in Fire (2001) et C'mon (2011), l'expérimentation arty de Songs for a Dead Pilot (1997), les boîtes à rythme vintage de Drums & Guns (2007) renvoyant parfois à Young Marble Giants, ou encore l'ampleur quasi ecclésiastique de Trust (2002). Le groupe a même offert un album de Noël digne de ce nom avec Christmas (1999). Le sublimement intimiste The Curtain Hits the Cast détient quant à lui en son cœur l'une des plus belles compositions de Low. Do You Know How To Waltz ? est une composition de pur étirement où trois pauvres accords vont devenir l'armature d'une déflagration sonore bouleversante que l'on aura beaucoup de mal à définir clairement et qui tranche complètement avec le calme régnant sur le reste du disque. On aime quand certains groupes tentent d'atteindre une autre dimension et c'est ce que Low réussit ici admirablement avec cette valse d'un autre temps, plongeant la tête la première dans un drone extatique aux accents shoegaze dont on ne peut sortir totalement indemne. "One more reason to forget" ? Sûrement pas.