My Funny Valentine est devenu un standard du jazz à la portée universelle assez rare pour ce genre de musique. Initialement originaire du monde de la comédie musicale (Babes in Arms, 1937 de Richard Rodgers et de Lorentz Hart), cette petite gemme d’intensité fut reprise au fil du temps par les plus grands : Chet Baker commença le bal en 1952 et fut suivis par des monstres comme Frank Sinatra, Ella Fitzgerald, Barbara Streisand, Elvis Costellos et Mile Davis….
La version de Chet Baker restera dans l’histoire pour être la plus puissante. Devant la simplicité du morceau, son pouvoir intrinsèque, Chet n’osa même pas jouer de la trompette, pourtant sa grande spécialité. Il se contente de sa voix limpide de jeune dandy désabusé, à peine caressé par quelque note de piano en arrière plan et le bruissement de la batterie jazzy en toile de fond. Il laisse faire la poésie de ces paroles d’amour, un des plus beaux textes selon moi que l’on peut déclamer à une femme.
Cette interprétation de Baker a le pouvoir de faire tomber un rideau de taffetas classieux sur n’importe quelle situation, de transformer le premier taudis venu en club de jazz des années 30 où des femmes en gants noirs fument de longs fume-cigarette, lascivement, en lançant leurs regards sensuels vers les hommes en costumes à rayures et pompes bicolores.
Que l’on écoute la version originale du jeune dandy (Chet Baker Sings, 1956) ou les autres, plus tardives, avec la trompette d’un Chet Baker abimé par des années d’autodestruction, ce morceau n’a rien perdu de son intensité, de son rayonnement quasi surnaturel et de sa simplicité touchante.
