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: Saler les cieux en attendant la suite








Moi, je n'ai rien envie de dire. Moi, j'aimerais tout dire. Et si, par impossible, Jérôme n'était pas d'accord avec moi, ce serait la même chose. À la rigueur, à la limite, on n'entendra rien de ce que l'on a entendu ici sur le prochain disque à venir de Tortoise. Le prochain, c'est toujours le lointain. OK. C'est toujours le prochain : le prochain moi, j'imagine que c'est la prochaine version qui fait être une version de ce qui a déjà été à nouveau. Du passé de Tortoise, il y aurait trop à dire. À commencer par ces cinq ans sans faire le moindre disque. Là, conditions concert, ils sont parfaits. Juste ce qu'il faut, là où il le faut, quand il le faut. Sur disque, Salt the skies, c'est audible. Cette version-là, plus dure, plus ardue, plus brute, vivante, tout simplement, fait advenir des possibles de la musique que l'on n'imaginait tout simplement pas possible sur le disque. Une forme de liberté qui n'est pourtant pas nécessairement ce qui marque en premier en écoutant Tortoise. Mais, voilà : il y a toujours quelque chose qui s'échappe dans Tortoise, quelque chose qui échappe à l'attention que l'on voudrait pourtant lui donner. Et, donc, quelque chose qui réapparaît quand une nouvelle version de la même musique est donnée. Une version qui en faire voir et entendre et sentir de toutes les couleurs. Une version dans laquelle tout le monde est physiquement impliqué. Une version dans laquelle tout le monde se sent. Stop. Se sent. Se sent purement et simplement. La version d'avant, du coup, compte moins. Elle compte toujours. OK. Elle compte comme une version non définitive d'une chose musicale non définitive. Le pire ou le meilleur, c'est que Tortoise n'a jamais fonctionné qu'ainsi : en proposant des versions différentes de choses identiques. Ou inversement (et, l'inversement, c'est vrai, on l'entendra bientôt, sans doute). Saler les cieux — Salt the skies —, c'est à craindre, je ne saurais jamais ce que ça veut dire littéralement. Métaphoriquement, pas plus. Musicalement, c'est une chose qui part en au moins trois directions différentes et qui se recentre à chaque fois sur elle-même. C'est — avec I set my face to the hillside — mais, pour des raisons musicales quelque peu différentes — l'archétype de ce que devrait être la musique : pas une voix, pas une seule, quelque chose qui s'échappe du langage par son mutisme pour commencer. Et, quelque chose si, à propos de quoi il faut bien faire usage du langage, y échappe nécessairement, non parce qu'il ne serait pas dicible, mais parce qu'il fait appel à des ressources autres que les linguistiques. Articuler, ce n'est pas nécessairement enchaîner distinctement des phonèmes les uns aux autres, ce peut être des sons les uns aux autres, dont la signification, si elle se dit par le langage, n'en est strictement pas dépendante. Ici, j'entends ceci : une musique qui exprime des sentiments multiples sans dire le moindre mot. Ce n'est ni original ni même moderne. D'abord, si c'était cela, ce ne serait pas nécessairement intéressant (l'originalité, la modernité, on connaît la chanson). Simplement, eux, il suffit d'écouter, le font de manière originale avec des moyens modernes (guitare électrique, synthétiseur, etc.). Tortoise ne se résume pas à ça (le débat musique vs. langage). Il y participe bon gré mal gré parce que la musique que le groupe joue élève la musique populaire à un niveau digne de l'intelligence et descend la musique savante à un niveau digne du sentiment. Autant dire que la distinction est vaine. Si l'on veut. En attendant la suite : Beacons of ancestorship, Salt the skies montre une voie que le prochain disque ne suit pas à tous les coups, mais dont il garde cette intention d'en découdre avec tous les genres, avec toutes les distinctions. À merveille. Mais, c'est encore à entendre.

par Jérôme Orsoni
le 01/05/2009

Tags : Dossier

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