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Nonkeen - Nils Frahm

: @ Café de la Danse - 2016-04-25



Deuxième soirée au Café de La Danse pour la nouvelle formation regroupée autour de Nils Frahm, Nonkeen offre une prestation maîtrisée, et ne fait qu'espérer une longue suite à leur premier album "The Gamble"

Prendre ses billets pour un concert de Nils Frahm, c’est un peu comme réserver un voyage longtemps à l’avance. On suit son actualité, on guète les concerts de la tournée, on regarde les éventuelles sorties. Que ce soit ses productions personnelles ou ses collaborations. Et d’un coup, quand on voit une date sortir, la plupart du temps, on ne réfléchit pas, on prend son billet. C’est, peu ou prou, ce qu’il s’est passé lorsque j’ai pris mes places, en janvier, pour une des toutes premières représentation de Nonkeen, le 25 avril dernier, au Café de la Danse. Une longue attente qui en valait la peine.

Avec près d’une vingtaine d’albums à son actif, des collaborations de tous types – nombreuses sont celles avec Olafur Arnalds, on se souvient de la collaboration avec Annue Müller ou bien encore la splendide bande son du film Victoria de Sebastien Schipper. Il paraît même que Nils Frahm sera présent sur le prochain album Dj Shadow qui sortira le 24 juin. Pour dire à quel point l’homme est insatiable de nouveautés. Mais quand bien même vous seriez (pire que moi) fan absolu, et collectionneriez toute sa discographie, vous pourriez toujours passer totalement à côté d’un des aspects le plus convaincant de sa musique, le Live.

Nonkeen est la dernière formation de Nils Frahm, réalisée avec Sepp Singwald et Frederic Gmeiner. Deux amis d’enfance. Sans vouloir reprendre la biographie de ce groupe et le tragique destin qui l’aura séparé une première fois de façon assez violente, reformer ce groupe semblait presque un besoin pour nos trois amis. Une façon de dire « On vous emmerde, on y va quand même ». Sans vouloir insister sur leur premier album tout juste sorti, The Gamble (Le Pari), titre qui prend tout son sens lorsqu’on a pris la peine de lire leur histoire, il s’agit d’un jazz expérimental, baigné de Rhodes, et rappelant tout au long de son évolution, le mythique album Inner Source de George Duke. Un jazz planant, foisonnant de recherches, d’expérimentations, de nappes, de perdition. Il y a vraiment une similitude très forte entre The Gamble et Inner Source. Tant dans la construction de l’album, avec tantôt des morceaux d’une dizaine de minutes qui prennent le temps de vous emmener dans des lieux que vous ne soupçonniez pas, tantôt des morceaux plus courts, qui semblent avoir été improvisés. La différence réside peut-être dans leur époque. Début 70 pour George Duke, milieux des années 2010 pour Nils Frahm. Plus de 40 années les séparent, des outils différents, et certainement, une façon de fabriquer la musique également différente. Et si le Jazz de George Duke flirte plus avec la Soul et la Funk, celui de Nonkeen a clairement épousé les chaudes basses d’une electro minimale bien de son époque.

Revenons maintenant à ce concert du 25 avril dernier. On sait que la veille, une première fournée d’heureux amateurs a eu droit à la première représentation du Trio au même endroit. A la même heure. Les instruments sont déjà tous en place. Un bref coup d’œil à la scène. Curiosité du mélomane. On repère le coin de chaque intervenant. Les gradins sont repliés. Ceux du haut, fixes, sont encore libres. Quelques places parfaitement situées entre les gradins et le bar feront l’affaire. Après quelques verres et discussions, les lumières se tamisent, finissent par s’éteindre complètement, Andrea Belfi s’installe à sa batterie et assure une première partie démentielle. Seul avec ses baguette et quelques boites à effets, boucles etc., il pose d’emblée une ambiance qui ne quittera plus la salle jusqu’à sa fermeture. Le garçon est bluffant, d’une précision impeccable, et si les cinq premières minutes pouvaient laisser sceptiques, le quart d’heure d’après fut impressionnant de technique, de maîtrise et de créativité. En une vingtaine de minutes, pas plus, Andrea Belfi aura fait le travail. Trop court. C’est entendu. Cependant la suite des évènements nous laisse largement comprendre pourquoi il n’aura pas été plus loin dans sa première partie.

Les lumières se rallument, le temps simplement de reprendre son souffle, et un ballon de plus, avant de se réinstaller et d’accueillir enfin le groupe Nonkeen, et, vous l’aurez certainement deviné, Andrea Belfi qui les accompagne sur cette tournée. Il est également présent sur quelques morceaux de l’album. La salle est comble, le public trépigne, se calme, puis finalement se tait aux premiers accords lancés par Nils Frahm. Le son que produit cet homme est une expérience à vivre. Un son humaniste, d’une extrême sensibilité. Il caresse son clavier et c’est tout votre être qui voyage. Il le percute et vous n’êtes plus là. De ces concerts où reconnaître un morceau n’a plus la moindre importance. Vous vous laissez transporter. Sans vous inquiétez de la destination. Ils vous suggèrent un moyen de transport. La destination n’est qu’une affaire personnelle. Introspective.

La formation Nonkeen est relativement simple et épurée. Frederic Gmeiner à la batterie, Sepp Singwald à la basse, Nils Frahm aux claviers et aux effets. Nils Frahm, toujours dos au public, accompagné ici dans cette position par Andrea Belfi, qui lui, fait face à un Frederic Gmeiner légèrement en surplomb. Rien n’est laissé au hasard. Ni l’appréciation du public qui peut ainsi observer l’ensemble des musiciens à sa guise, ni l’efficacité qu’une telle disposition peut produire au sein même du groupe. Tout le monde se voit, tout le monde s’écoute. Et si Gmeiner et Singwald semblent être restés quelque peu en retrait lors de ce concert (tout en restant à la fois indispensables), c’était certainement pour que le public puisse observer les corps enivrés, possédés, électriques de Nils et Andrea.

Deux moments seront venus interrompre cette plénitude musicale. Cette transe collective. Deux moments qui à mon sens auront tenté de sortir les spectateurs de leur méditation respective afin de rendre l’expérience plus collective. Le premier, lors du passage du morceau Chasing God Through Palmyra (morceau entêtant et répétitif à souhait). Où les protagonistes ont tout simplement « fait une pause ». Ayant préalablement préparé quelques cocktails, ils en ont servi au public en passant le morceau directement depuis le CD. Les instruments sont lâchés, séance photo, promotion de l’album, etc. Ce moment, qui aurait pu être sympathique, comme une volonté de se rapprocher du public, à l’instar d’artistes comme Dope DOD où les joyeux lurons offrent du gros Jack Da à un public survolté. Ou encore comme le fait si bien Gonzales en s’immisçant dans son public et en prenant des selfies sur le dos d’un fan. Bref, ce moment qui aurait pu être une franche rigolade s’est avéré, selon moi, raté car beaucoup trop long. Le groupe n’avait nullement besoin de faire la promotion sur scène de leur album. Encore moins par une tierce personne. Le public qui vient voir Nonkeen est un public de niche, il est déjà conquis. Et si ce genre d’interaction avec le public est toujours très appréciable, pour qu’il soit réussi, il est rarement improvisé. Ce qui ne donnait pas l’impression de l’être ce 25 avril. Les artistes finissent finalement par reprendre place. Et fort heureusement, leur musique n’aura pas mis plus de 5 secondes pour nous réconcilier avec le groupe. Le second moment important de ce concert est certainement le moment où les deux batteurs se sont lancés dans une battle incroyable et pour le coup certainement pas improvisée. Je ne saurai dire aujourd’hui combien de temps a duré cet interlude. Le moins que je puisse dire c’est que le temps paraissait suspendu tant les deux musiciens étaient survoltés. Et même si Andrea Belfi semblait avoir pris le dessus, c’était pour mieux laisser la place à Frederic Gmeiner pour le reste du concert.

Comme à son habitude, Nils Frahm, accompagné de l’ensemble des musiciens présents ce soir se dirigent vers l’entrée, et toujours dans cette extrême générosité, prennent le temps de rencontrer leur public, discuter avec eux, signer quelques autographes ou autres disques vendus le soir-même. Le temps est donné, pour chaque personne. Il n’est pas compté. Ces passionnés de musique se donnent entièrement à leur passion et ceux qui leur permettent d’en vivre. C’est peut-être ce qui, au delà de leur musique, les rend si attachants. Les protagonistes transpirent la passion, la gentillesse et la générosité.

Et si la musique de Nonkeen semble vous transporter dans d’autres mondes, c’est certainement que le lourd passé de cette amitié est chargé de fantômes au destin tragique. La réunion de ces trois passionnés de musique semble dès lors agir comme une sorte de catharsis. Une expiation d’un héritage pesant et non voulu. Un pari, qui, dans l’ensemble, semble plus que réussi. Vivement le prochain concert.



par DuponD
le 12/05/2016

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