Pour sa 11ème édition, le festival montréalais affichait, toujours aussi fermement, sa volonté de célébrer conjointement musiques électroniques et créativité digitale. Plus de 80 performances au programme, entre art contemporain et musique de club, ont permis à des artistes de tous horizons d’offrir un panorama plus qu’excitant de la culture électronique actuelle.
Jour 1
En guise d’amuse-bouche, le festival nous promettait la boîte à musique de Pandore. Avec la performance à base de ressorts, de manivelles et de clic-clacs de réveils des Montréalais
Bernier + Messier et la symphonie de faxs et imprimantes de
[The User], façon Kraftwerk vs Rank Xerox, on a été plus que grassement servis.
Matmos a poursuivi par un set qui est monté progressivement en intensité, jusqu'à atteindre une acmé incroyable. Le duo excelle dans cette pratique musicale, autant intellectuelle que juvénile, et a conclu l’affaire par un voyage proto-techno sidéral.
C’est le collectif
Comeme - emmené par
Matias Aguayo – qui s'est chargé de lancer les hostilités nocturnes du Mutek et compte tenu de la chaleur dans la salle, on pourrait presque croire qu'il est parvenu à faire suer le béton de la SAT !
Diegors, lutin latin à la coupe afro, a tranquillement démarré la soirée avec un DJ set électro-disco. Voyant que la sauce prenait mais sans plus,
Matias Aguayo, en bon capitaine de soirée, s'est rapidement mis au fourneau. Il était partout : micro, percus digitales, flûtes, maracas... Dans une joyeuse désorganisation purement latine.
C'est peu dire que la dernière sensation de chez
Kompakt était attendue pour sa première nord-américaine. Suffisait de voir l'armada de photographes le mitrailler du flash... Le garçon s'en est sorti avec beaucoup de spontanéité. Lui qui, dans son tube "Minimal", voulait un rythme plus profond, plus sensuel, on peut dire qu'il a joint le geste à la parole. Pic d'intensité atteint lors d'un
Menta Latte de feu où la salle, toute en sueur, a célébré le DJ comme un seul homme.
Jour 2
Sur le programme on pouvait lire "bruitiste", "inclassable", aux confins de l'"éthéréalité". Et il en fut bien ainsi !
Pendant une heure d'un show ébouriffant et abouti,
Nurse with Wound a navigué entre électronique, free jazz et noise. Ces cinq anglais ont improvisé une musique extrême - dans l’évocation et la puissance - sur un collage de petites vidéos, toutes plus inquiétantes et bizarres, les unes que les autres.
Une fois au Métropolis, on a retrouvé cette spontanéité musicale et ces penchants noise lors du set de
Mouse on Mars. Les vétérans allemands nous ont dessiné tout le spectre du break dans les musiques électroniques, de sensibilités plus hip hop au breakbeat et au happy breakcore.
A peine le temps de déguster une petite mousse que
Jon Hopkins réalise un tour de force en maîtrisant la foule comme un pasteur. IDM, breakbeat, house progressive, electro-shoegaze... De sensibilité plus electronica à l'écoute de son MySpace, on a pu découvrir que le garçon avait plus d'un potentiomètre à son MPC. Sans aucun doute l'un des gros sets du festival.
Et puis
Nathan Fake a tout simplement été ma-gis-tral. L’ambassadeur de
Border Community, avec son petit T-shirt de l'université de Norfolk (sa ville natale), nous a fait danser comme des marionnettes, entre périodes suspendues et passages noisy. Un gros set tech-house/techno, qui laissait apprécier la facilité déconcertante que l’Anglais a à créer une musique, juste en quelques mesures.
Jour 3
Vous remarquerez que le vendredi, c’est presque toujours soirée bass music. Faut que ça tape fort pour les mâles qui débordent de testostérones, comme ça le samedi, ils sont plus sociables ! Arrivé peu après le début du set de
Demdike Stare, je suis resté scotché face à la profondeur de leur dub ambient. Le mur de basse fige le corps pendant que les samples ethniques remplissent l'espace. Un voyage immobile, une expérience très forte.
La Bass music britannique débarquait en masse à la SAT puisse que
King Midas Sound et
Ikonika prenaient le relais. J'attendais une bonne découverte du premier et une confirmation sur scène de la seconde : mes prières ont été exaucées.
King Midas Sound, projet collectif de
The Bug, était entouré pour l'occasion d'une chanteuse soul et d'un toasteur jamaïcain. Après les quatre premiers titres, la comparaison avec
Massive Attack s'impose. On croit retrouver la douceur de
Nicolette, la voix grave de
Daddy G et certaines lignes de basse ne trompent pas. Cela dit,
K.M.S prend une tangente plus dub et plus radicale.
C'est peu dire que j'attendais
Ikonika de pied ferme. Son premier album m'avait trop plu pour me satisfaire d'un set médiocre. Show lumière incroyable, sono massive, ça a été malade ! Moins 8-bit que sur disque mais beaucoup plus techno. Son
Look (Final Boss Stage) a soulevé la foule de danseurs. C'est sans conteste, l'une des prochaines grandes figures de la scène dubstep, tant sa musique s'inscrit dans l'air du temps et des courants.
Ca m'a pris dix bonnes minutes pour me décider à aller voir
Shed, pour sa première canadienne. Le poulain de
Ostgut Ton, déversait des torrents de dub techno, dans une salle bondée et à l'esprit bon-enfant. Sympa mais ça manquait d’un brin de folie.
Jours 4 et 5
Dans le décor bucolique du Parc Jean-Drapeau, situé sur une petite île en face de Montréal, l’équipe avait organisé ses fameux piknics électroniks, où les DJs viennent mixer à ciel ouvert, sous une énorme structure d’art contemporain. Malgré une météo capricieuse, plusieurs centaines de K-way s’étaient déplacés, glacières à la main.
La house guillerette et un brin mentale de
Minilogue a servi de décapsuleur avant que
DJ Koze ne régale la foule d’un gros set deep house. Rien ne pouvait désunir les danseurs, pas même le déluge qui s’est invité en plein milieu. Koze a décidé que ça méritait bien sa petite photo !
Devant une communauté germanique venue en masse,
Paul « Berlin Calling »
Kalkbrenner s’est emparé des platines, Ray-ban fixées sur les yeux, pour un mix gonflé à la taurine, qui faisait la part belle aux morceaux de la B.O. du film. De quoi ramener progressivement le soleil sur le site.
Un trio burger+poutine+soda plus tard,
Ben Frost a bien failli me faire regretter de m’être autant rempli la panse, tant son mur de son est une véritable épreuve physique. Question digestion, ses longues plages de sons étirés et ses basses éructées, c’est pas le meilleur plan.
La deep house hambourgeoise de
Move D m’a remis tout ça dans le bon sens, bien suivi par l’enfant du pays,
Guillaume & the Coutu Dumonts. Dans une formule groupe (claviers, chant, sax, guitare), le Berlinois d’adoption a insufflé une chaleur funk et afro à sa techno, soulignant comme
Laurent Garnier, les multiples possibilités d’accouplement de cette musique.
C’est dans cette version chaleureuse de la techno qu’
Henrik Schwartz puis
Dixon ont conclu la soirée, sur une deep techno instrumentale et vocale, qui m’a accompagné sur le chemin du retour, jusqu’au petit jour.
La 11ème édition s’est terminée le lendemain avec
Pépé Bradock et son set bien trempé French Touch, puis
Moritz Von Oswald et
Theo Parrish ont maintenu sous perfusion électronique les derniers Mohicans de la danse.
Avec une programmation dense et éclectique, bien équilibrée entre avant-gardisme et club music, cette année aura réussi à se sortir du piège de « l’édition qui suivait celle des 10 ans ». Son organisation impeccable et son ambiance bon enfant en font un des festivals les plus intéressants et agréables à suivre.
Crédit photos :
Churumbavision.blogspot.com
- Photo 1 : Mouse on Mars
- Photo 2 : Nathan Fake
- Photo 3 : King Midas Sound