Encore une fois Villette Sonique propose une programmation exceptionnelle. Et sur le papier, cette soirée réunissant deux de mes idoles s’annonce comme une date à marquer d’une pierre blanche dans les annales du festival parisien. Imaginez,
OM et
Acid Mothers Temple avec en guise d’apéritif
Wolf Eyes. Une soirée mémorable en perspective, avec toutefois son lot de déconvenues.
Direction porte de Pantin, un passage par le Parc de la Villette. L’été vient enfin de commencer sur Paris. Une foule de pique-niqueurs, des sound-systems, des jeux de ballon et des joggers. La soirée s’annonce excellente sous un soleil radieux. Après une petite halte dans l’herbe, direction le Cabaret Sauvage, qui ce soir, sera le temple du psychédélisme.
Wolf Eyes ouvre bal. Entre
Aphex Twin et
sound system psychédélique. Pas de quoi fouetter un chat. Au bout d’un quart d’heure, le concert commence à devenir long et il est temps de recharger ses accus à coup de peinte à huit euros. Après une pause d’une heure sur la terrasse, avec en fond sonore les mêmes relents rythmiques du groupe, on se dit qu’on ne rate pas grand-chose de ce concert. Un show psychédélique qui ne passe pas du tout. Absence d’âme, un son qui n’est pas à la hauteur. Et surtout : la sensation de se dire qu’on a tous fait ce genre de musique à un moment de sa vie : souvenez-vous de vos expériences sonores en branchant un vieux micro sur la sono de papa et le tour est joué. Reste à prononcer des murmures et lancer la même rythmique oppressante en s’y attardant pendant vingt bonnes minutes. Bref, un début de festival habituel.
Arrêt au stand, le temps de remplir sa peinte. Quelque rencontre avec des amis qu’on a pas vu depuis longtemps. Un arrêt aux toilettes, histoire de faire un peu de place et comme par magie on sent qu’
OM s’apprête à rentrer en scène. Mais non. C’était juste un balance qui dure déjà trop longtemps. Un peu trop d’ailleurs.
OM, c’est la tête d’affiche de la soirée. Imaginez un groupe qui ne vient que trop rarement dans l’hexagone, forcément ça donne envie, surtout quand on s’est pris une claque énorme à l’écoute de
Conference Of the Birds. Certes, le précédent album était bon, mais le changement de
line-up, avec l’arrivée du batteur de
Grails avait donné la sensation que le concept basse/batterie et le répertoire psyché shamanique avait un peu trop viré du côté du métal, voire du doom. Moins de subtilité, plus de dynamique dans le jeu du batteur. Mais surtout moins de nuances sur la nouvelle production du groupe estampillée
Steve Albini (
God is Good). Alors même que cela faisait toute l’originalité du groupe. Et ce concert vient confirmer la donne. Après deux titres, on commence le voyage. Mais le groupe s’arrête, en invoquant des conditions techniques qui n’étaient pas à la hauteur. Premier caprice. A partir de là rien ne va plus. La reprise du concert après cinq minutes d’arrêt montre un groupe qui n’est que l’ombre de lui-même. Sans âme, sans aura. Sans magie. Un set interminable qui ne cesse de répéter en jeu les mêmes poncifs : rythme syncopé, break claquant, rythme syncopé, cymbale et ainsi de suite. Pour ce qui concerne la basse, c’est encore pire, un son gras et sourd, sans nuance. On ne cesse de se dire que le bassiste ne sait jouer que trois notes. Et on ne cessera de se faire cette réflexion toute les trente secondes. Bref, une énorme déception. A confirmer dans une salle plus restreinte en espérant que le bassiste sache enfin brancher son matériel.
Faim. On met en commun ses dernières pièces, histoire de manger une merguez pas cuite avec un bout de pain acheter à ED en guise de ciment pour calmer la sensation de n’avoir rien mangé depuis le matin. Pause clope. Discussion sur le concert de
OM et sensation partagée que le groupe a raté son entrée par la grande porte. Peinte. Pause clope sur la terrasse qui rappelle la plage de la Grande Motte au mois d’août, les odeurs d’aisselle en moins.
La bonne surprise vient d’
Acid Mothers Temple. Vu le précédent concert, on commence à se poser des questions. Certes le Cabaret Sauvage propose un cadre estival et décalé sous la forme d’un chapiteau en bois plein de charme, mais la qualité de la sonorisation avait notamment eu raison des deux groupes précédents. Alors que penser de ce concert de la légendaire formation japonaise de rock psychédélique. Si le son est mauvais le concert sera-t-il du même acabit ?
Acid Mothers Temple démontre par sa prestation que le son est une chose, mais que le talent dépasse largement les conditions techniques.
Le groupe signe un concert mémorable. Le son, n’est pas excellent, certes. Mais le groupe fait preuve d’une énorme énergie scénique. Peu de morceaux, mais quels titres ! Après une introduction en forme de montée en puissance, le groupe enchaîne avec le titre le plus sensuel de son répertoire (
Pink Lady Lemonade). Un moment de véritable jubilation. On oublie le désastre que furent les deux premiers concerts de la soirée. A la surprise générale le groupe invite d’autre musiciens pour les deux derniers titres. Là encore : montée en puissance qui pousse le groupe vers des sommets. L’énergie se mêle à l’extase. Trois guitares, deux basses (dont une à six cordes) et deux batteries. Et malgré cela une sensation d’homogénéité et de fluidité étonnante. Kawabata, toujours aussi fantasque n’hésite pas à sacrifier deux de ses guitares et en offre les morceaux au public. Sans doute, le meilleur concert depuis des lustres. Avec pour certains chanceux la possibilité d’en sortir avec quelques morceaux des six cordes sacrifiées sur l’hôtel du psychédélisme. Avis aux réfractaires qui n’ont pas adhéré à l’écoute de leur immense discographie. C’est un groupe à découvrir absolument sur scène. Et il vous rendront votre investissement au centuple avec les intérêts en prime.
Retour vers le métro, les oreilles en bandoulière. Un mec passe à tabac son téléphone portable. Pas de soucis ça fera un excellent ballon de foot qui nous mènera jusqu’à la bouche de métro la plus proche. Une soirée de rêve comme je vous le souhaite d’en passer encore et encore.