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Tortoise+The Ex

: @ Maison des Arts - 16/02/2007



Notre compte rendu

Pour commencer, pour bien commencer, il faut commencer par la fin, c'est-à-dire par ce qui a fait, à proprement parler, ce vendredi 16 février 2007 - et aussi racoleur que cela puisse paraître - l'événement. À savoir : la rencontre finale du The Ex et Tortoise pour quelques chansons interprétées à neuf et d'une force telle que, malgré le désordre manifeste de certains passages, on s'est trouve soufflé par tant de liberté, d'inventivité et tant de bruit, aussi. Le côté brut, sale et punk des éternels The Ex allié avec le côté maîtrisé, léché et jazz de Tortoise, ce n'est pas vraiment imprévisible - ça a déjà eu lieu sur disque en 1998 dans le cadre de la série In The Fishtank - non, mais c'est de nature à interroger les limites que l'on trace entre la musique intelligente et le reste. Ou, plus exactement, sans doute, cette opposition devient inopérante, puisque tout se joue dans l'instantané, et à ce jeu-là, sauvage ou sophistiqué reviennent au même : à la capacité à faire et à recréer de concert.

Au début, pourtant, The Ex n'avaient livré que leur côté le plus froid, le plus dur et inaccessible. Découverte pour moi, qui en plus d'être une première aurait bien pu être une dernière, tympans tailladés par les stridences de la guitare, qui saigne de l'électricité et fait saigner dans le même temps à chaque accord. Chanteur crispé, tendu, à la recherche de quelque chose pour tout donner. Deux titres peut-être comme ça. Pas plus. Et puis, progressivement, sans jamais se détendre, sans jamais se relâcher, la batterie entraînant tout le monde dans des trains d'une improbable complexité et pourtant dansants, The Ex laissait apparaître une face plus chalereuse, plus vivante, jusque dans la reprise d'un autre monde d'un thème africain. Dans le même temps, ils démontraient que le bruit n'est pas une masse repoussante, qu'il ne s'associe pas forcément à la douleur mais que, pris dans le rythme, il peut mettre en mouvements les corps d'une foule qui, lasse d'être assise, se lève pour entrechoquer ses corps synchroniques.

Il faut s'appeler Tortoise, je veux dire : en avoir la stature et la carrure, pour passer après ça. Il faut aussi aimer profondément la musique de ses acolytes. Vingt minutes d'entracte, changement radical d'ambiance, plus sage. Et, cependant, c'est un set résolument puissant et dynamique que va donner Tortoise. Dès les premières mesures, toutes distortions dehors, batteries déchaînées, le temps du repos bourgeois, bien tassé dans son fauteuil, comme en son canapé, n'est pas encore venu. Malgré tout ce que l'on peut dire sur la maîtrise, le savoir, etc., de Tortoise, quelques flottements entre les morceaux achèvent de les rendre parfaitement accessibles. Et, de découvrir du coup, en observant les changements d'instruments entre les chansons, mais aussi les parcours des musiciens durant les morceaux, que Tortoise est, en quelque sorte, un groupe du duo, que sa musique s'articule autour de duos qui structurent ou donnent une assise fondamentale aux chansons : duo de batteries, duo de basses, duo de percussions. Des lignes de force, pour s'exprimer ainsi, qui tissent les morceaux, les orientent, leur assurent une stabilité que les diverses strates qui les composent mettent en danger ou bien aussi leur ôtent toute stabilité, cassant le rythme, ajoutant le bruit à la mélodie, ou bien aussi le bruit au bruit.
Une heure trente de concert passée comme cinq minutes, le groupe refusant finalement un rappel auquel The Ex avait eu droit pour privilégier la collaboration. Autre manière de faire entendre sa conception de la musique, qui se joue à plusieurs, ensemble, qui n'hésite pas à prendre des risques, et préfère au succès de prestige, les rencontres originales.

Il y a un an, à un jour près, Battles donnait son premier concert en France à la Fondation Cartier. J'y parlais de l'impossibilité de comparer le groupe avec Tortoise. C'est peut-être toujours vrai, quoi que la prestation de ce dernier corrige en grande partie la fausse image que j'avais alors du groupe. Une chose est sûre, de génération en génération quelque chose se transmet qui fait de cette musique instrumentale aux couleurs multiples, cette espèce de mouvement que l'on nomme par dépit "post-rock", un courant dont les ressources semblent inépuisables.

par Jérôme Orsoni
le 17/02/2007

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2 commentaires

par Jérôme O. (le 05/03/2007)
Erreur corrigée!
http://60millions.viabloga.com/
par Nikita (le 04/03/2007)
Ce n'était certes pas le premier concert européen de Battles, que j'ai vu à Birmingham en 2005...
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