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David S. Ware

: @ Point Éphémère - 03/05/2006



Notre compte rendu

L'amour des cordes est un mal qui a depuis longtemps gagné le jazz. Perdu, donc, si l'on pense, entre autres, aux sirupeux accompagnements qu'une Amérique prête à tout pour récupérer au moyen d'instruments nobles un style qui ne pouvait échapper plus longtemps au lyrisme fait loi d'un vernis cachant simplement les moisissures, ou à l'école française du violon jazz, qui continue de déverser une musique d'accompagnement idéale pour qui tient absolument à donner dans le cliché et se mettre, un beau matin, à courir nu et heureux sur une plage de Cabourg. Le problème est qu'à force de se laisser emporter par des envolées dégoulinantes, on finit inéluctablement par glisser sur une algue.

Bien sûr, dans le domaine, on repère ici ou là quelques disques acceptables. Et David S. Ware, qui se produisait le 3 mai au Point Ephémère (Paris), a été de ceux à rendre une copie convaincante avec Threads, album enregistré par son quartette en compagnie de Mat Maneri et Daniel Bernard Roumain. Qui s'attendait donc à entendre Ware dialoguer avec les huit musiciens de son " String Workshop " aura connu une déception, puisque le saxophoniste a préféré les conduire, assis face à eux - eux, face au public, donc, lui, dos au public {soit : W (assis) ~ 8X (assis, debout) / quoi, 80 personnes ? } - sur une chaise de jardin. Si quelques musicologues éclairés auraient pu se poser la question de savoir si l'on peut honnêtement produire quelque musique engageante assis sur une chaise de jardin, en plastique qui plus est, d'autres moins ambitieux en déduiront, sûrs de leur fait, " Ware aurait dû venir grossir le rang des interprètes, ténor à l'appui ".

Au lieu de ça, le voici dirigeant 2 violons, 2 altos, 1 violoncelle et 3 contrebasses, les gestes peu orthodoxes mais exaltés, l'assurance peut être d'avoir à dire de cette façon, tandis que ses compositions ne tiennent pas longtemps l'épreuve qu'il leur fait subir. Alors, une longue, trop longue séance musicale se cherche, égarée entre minimalisme américain, dissonances prudes et recours mélodiques trop légers. Soit, un mélange de John Adams, Berio et Sakamoto, mais en toujours moins bon, version poussive. Le tout agrémenté de passages plus dramatiques rendus à l'unisson, lourds et quasi vides. Dommage d'autant que le " String Workshop " respecte les partitions, se montre attentif aux gestes fulgurants, et donne beaucoup, comme il lui est demandé, soit, s'acharne et s'épuise.

Bref, tout ça est trop mince pour le temps qu'on lui consacre, à l'inverse de la deuxième partie de la représentation. Là, sur la même chaise qu'on a pris soin de retourner, Ware improvise une vingtaine de minutes. Recueilli, le saxophoniste livre un condensé de sa propre histoire. Des rauques internes de son ténor aux suraigus irritants, il évoque sa relation au free des origines tout en n'oubliant pas que cette musique est aussi le fruit d'une époque et que l'évolution irrémédiable est advenue. Rares, les schémas mélodiques sont répétés un peu, autant de pauses au milieu des fulgurances tumultueuses, des doutes soulignés par un souffle plus mesuré ou des affirmations rageuses. Ici, Ware ne se sera pas trompé de parti pris, et aura choisi la concision pour présenter la densité d'un art qu'il maîtrise à l'accoutumée.

De ces rattrapages appropriés d'erreurs pas si graves. David S. Ware ayant, en plus, une foi solide en l'évolution des choses, et donc, en leur relativité dans le domaine des conséquences.

par Grisli
le 09/05/2006

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