Un report de concert est analogue à une photographie argentique : il est possible de développer bien plus tard, mais l'essentiel, ce qui impressionne, doit être fixé dans l'instant. Après, c'est trop tard, le moment est passé, il ne reste que des souvenirs de l'impression, pas l'impression elle-même. C'est pour cette raison que je raconte des histoires qui peuvent paraître inutiles, c'est pour cette raison que j'essaie de rappeler des détails négligeables. Autrement, il ne reste rien de ce vécu de musique qui est tout ce qui importe en matière de concerts. C'est pour cette raison que je note des saynètes, comme celle-ci :
Au moment précis où je m'attends à ce que Bob dise : « Sons of, c'est chanmé », rien, pas un mot ne sort de sa bouche, pas de conversation à l'horizon, je dois me débrouiller tout seul, c'est à craindre. C'est ce que je redoute.
Des concerts du groupe auxquels j'ai assistés, cette date des
Sons of Frida est la meilleure. Cohésion, cohérence, force de frappe et résurgences de post-rock sans jamais se laisser prendre aux multiples pièges de ses clichés, les
Sons of Frida parviennent à tirer le meilleur des discontinuités avec lesquelles ils jouent. Des périodes éthérées, phases d'une douceur surprenante pour un quartet aussi énergique, aux éruptions noise, des gimmicks post-rock aux riffs post-punk ou post-new-wave, si l'on ose, tout se tient. Tout sonne fort, lourd, basses grasses, quand il le faut, suraigu des larsens quand ça s'impose. Du côté rock, c'est l'homogénéité de la rythmique basse / batterie qui se distingue. Du côté post-rock, on s'attarde sur ces roulements de notes égrainées sur deux guitares légèrement saturées qu'un delay retarde. C'est la coutume, c'est la règle plutôt et, celle-ci est parfaitement intégrée et appliquée. Peut-être émettra-t-on un doute cependant. Sur certains morceaux chantés, la voix manque un peu d'assurance comme si elle hésitait à se hisser au niveau de la musique. C'est dommage mais, c'est perfectible, très certainement.
L'orientation « pop » de
Porcelain a dû en laisser plus d'un sur le carreau. Pourtant, on a affaire là à une conversion — le mot est un peu fort — des plus réussies.
Me and my famous lover, album particulièrement réussi, n'est pas transfiguré sur scène. On ressent ce même chant écorché, ces mêmes mélodies ciselées qui en faisaient l'intérêt. Avec un côté
Radiohead plus affirmé, toutefois. On imagine un clin d'œil plus qu'une imitation, des souvenirs de disques écoutés et que le groupe n'aura pu s'empêcher de s'approprier et de jouer selon sa propre façon. Au milieu des titres connus, on signale un inédit qui sonne comme une valse un brin déjantée, qui se retient de se dynamiter elle-même. Cette tension retenue, mais utilisée, comme une colère contenue jusqu'à n'en plus pouvoir, détournée, exprimée selon d'autres voies est ce qui fait, on l'imagine, le propre de la musique de
Porcelain. On regrettera les interventions un peu teenage du chanteur, quoique ce soir elles se soient faites particulièrement discrètes. Quoique surtout, l'essentiel soit ailleurs, dans ce côté pop lancinant, porté par une frappe sèche de batterie qui n'empêche jamais aux passages les plus légers de se faire entendre clairement.
Porcelain n'est pas un groupe révolutionnaire, c'est simplement un excellent groupe avec un univers singulier qui mérite d'être découvert ou redécouvert sur scène.