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Angil

: Interview avec Angil




La sortie de ton album semble bénéficier d'une couverture médiatique sans précédent pour un " artiste unique records " : nombreux webzines dont le soutien conséquent des inrocks.com, presse papier (magic ou même trax, tu es dans leur playlist de novembre !), du réseau de radios férarock qui a organisé une semaine spéciale angil, comment reçois-tu ce buzz médiatique autour de ton album ? Je sais que Gilles et Gérald de Unique records croyaient profondément en cet album, qu'ils espéraient une telle reconnaissance, mais toi, es-tu surpris ?


Je suis heureux et fier !
Nous (tous ceux qui ont participé à Teaser for: matter) avons essayé de faire du mieux que nous pouvions, même avec nos petits moyens.


Gérald et Gilles ont à la fois une grande motivation et un regard lucide : ça a dû leur faire du bien de voir qu'on n'était pas obligé d'être dans un système (collaborer avec l'un des 2 ou 3 grands distributeurs français, acheter des encarts de pub...) pour avoir ce genre de réponse.
Ce qui est encourageant, c'est que certains prennent cet album très à cœur, le défendent en militants (je pense à des webzines comme À découvrir absolument et Foutraque, ou des gens de radios comme Captain Bob à la radio Férarock " Dio "). Ils ont conscience qu'Unique fait peut-être partie d'une génération en voie de disparition, les labels associatifs qui sortent de " vrais " disques.


J'ai lu sur le site d'unique records que les mille premières copies étaient épuisées et qu'un nouveau pressage était en cours. Tu vas devenir la locomotive du label non ? C'est le plus gros succès du label à ce jour ?


En France, oui ! (Je crois que A place for Parks et Melatonine plaisent bien aux Canadiens !)
Il ne faut pas oublier que les autres sorties étaient dans des genres plus spéciaux. Lunt mélangeait passages chantés et expérimentations (ce qui prend le plus de place maintenant, avec la sortie de Baxendall sur Unique et de ses improvisations sur la branche expérimentale du label, Hitomi ' www.hitomirecordings.com). Baka! et Virga étaient aussi particuliers dans leurs styles. Angil, c'est le mainstream d'Unique !


Ça me plaît bien, cette idée de locomotive ! The Hiddentracks, le projet de musiciens multiples pour accompagner Angil sur scène, est vraiment en train de devenir un collectif. Lunt improvise avec Thom, le tromboniste... Les joueuses de cordes (Géraldine Devillières et Marie Legendre) m'ont demandé de leur écrire des morceaux pour violoncelle et alto... On a aussi improvisé pendant deux jours chez Lunt avec le saxophoniste, Francis Bourganel, et le percussionniste / joueur de circus bands Flavien Girard (l'album verra peut-être bientôt le jour)... Bref ; des interactions se créent. Plein de petites images-mouvement.


Gilles me confiait il y a quelques temps à quel point c'était dur de trouver des dates pour les artistes du label, et notamment à Paris. Tu viens de faire la première partie de Bright eyes au batofar, dans quelles salles, parisiennes ou non, rêverais-tu de jouer ?


J'ai vu Lisa Germano il y a quelques mois à la Guinguette Pirate ; j'ai adoré cette péniche. Je devrais y jouer, fin février... Je ne connais pas beaucoup de salles, à part ça. Je regrette une salle que j'aimais bien à Lyon, le Pez Ner ; elle a fermé.


J'ai fait quelques concerts dans de chouettes lieux récemment, comme la Chapelle (avec les Hiddentracks presque au complet : nous étions 8 sur scène), une ancienne église squattée par une association toulousaine, et Desert Inn à St Etienne, un appartement remodelé en ciné-club. À ces deux endroits, nous avons joué avec la configuration et l'espace. À Desert Inn, les musiciens jouaient depuis une mezzanine, personne ne pouvait les voir ; comme si leurs notes tombaient du plafond.


Avec le recul que tu peux avoir sur cet album, considères-tu que tu, ou plutôt vous (car cela a véritablement été un travail d'équipe), que vous êtes arrivés au résultat escompté ? Que ferais-tu différemment s'il fallait refaire quelque chose ?


Le but pour moi, était de faire un album dont je serais encore fier 10 ans plus tard. Je pourrai te répondre dans 10 ans !


En attendant, j'écoute avec toujours autant de plaisir No more guitars ou Dolaytrim.
Je ne changerais rien ; ni nos conflits avec Gilles sur Beginning of the fall, ni les yeux de Patrick (du studio ATL, à Montauban) devant les prises de flûte de Laura sans aucun repère rythmique ou mélodique, ni le sacré moment de la prise de saxophone sur An old acquaintance ou le mix où on se disait avec Gilles qu'on tenait un drôle de truc. C'est un tout.


Tu as déjà sorti plusieurs cd, autoproduits, on peut considérer teaser for : matter comme ton premier véritable album, penses-tu au second ? Es-tu déjà en train de composer de nouvelles chansons ? Comment te sens-tu après la concrétisation d'un projet ? Besoin de commencer immédiatement une nouvelle œuvre, ou au contraire de te vider la tête et faire complètement autre chose ?


Le premier " véritable " album était en fait Ha ha!, sorti en 2000 sur Premier Disque : un 13 titres produit, pressé et masterisé, tout comme Teaser for: matter. La seule différence était la distribution, autogérée par Pascal Cormorèche, qui porte le label seul.


J'ai des notions de plus en plus précises en tête pour la suite. Je me suis fixé une contrainte grâce à Francis, qui m'a soufflé l'idée de ne pas utiliser l'accord E (mi) parce que c'est difficile de faire sonner un saxophone dans cette gamme. Du coup j'ai aussi écrit une dizaine de textes sans la lettre E. J'ai envie d'un album qui fasse référence au postmodernisme, tous genres confondus : les romans de Paul Auster et Raymond Queneau, les BD de Marc-Antoine Mathieu et Lewis Trondheim, les albums de Why? et Broadcast... J'ai aussi des sons en tête, comme le souffle et la salive dans un cuivre, les sons de batterie et des percussions chez Coltrane ou Booker Little...


J'ai quelques chansons prêtes, au moins dans leurs versions scéniques (je compte en jouer quelques-unes unes aux concerts à venir, le 29 décembre au House of Live et le 26 janvier au Pop In). Dans le prochain album, je compte intégrer les idées et le jeu de l'ensemble des Hiddentracks ; ce sera l'étape logique...


Vers quelle direction comptes-tu évoluer dans les mois qui viennent ? As-tu des idées, des envies précises que tu souhaiterais concrétiser ? Des collaborations éventuelles en vue ?


L'album va peut-être sortir en Angleterre. Si ça se concrétise, c'est possible que j'essaie d'aller m'installer un moment à Londres, histoire d'appuyer la sortie avec quelques concerts !
Je compte aussi travailler le prochain album avec les Hiddentracks, et continuer les prises sur un album enregistré avec mon autre groupe, Del.


J'aimerais beaucoup collaborer avec Analog & Digital Sound(r). On s'est rencontrés lors d'un ciné-concert où on avait fait la musique pour deux films, à Nantes (www.lecinématographe.com). Récemment ils ont participé à l'album de remixes de Teaser for: matter, à venir prochainement... Leur remix est excellent. Je voudrais qu'ils interviennent dans l'album à venir, et / ou dans une autre idée parallèle, de chansons avec des rythmiques faites uniquement à partir de bruitages vocaux (encore un projet... j'en jouerai aussi aux prochains concerts !). Et j'aimerais bien chanter sur des morceaux à eux.


Après le revival rock de ces derniers mois, certains journalistes et observateurs s'émeuvent du florissement d'albums que certains qualifient de neo folk : on peut citer dernièrement devendra banhart, gravenhurst, qui sort d'ailleurs sur label warp... Te sens-tu proche de ces artistes ? Les écoutes-tu ? Crois-tu que l'on puisse parler d'un regain d'intérêt pour le folk ? J'ai pu lire que tu avais dit " faire du folk tout en le détestant "… une boutade sans doute mais que voulais-tu dire exactement ? Tu es allergique au portrait du jeune mec seul sur scène avec sa gratte ?


J'aime bien les deux ou trois morceaux que je connais de Banhart ; je ne connais pas Gravenhurst.


Je trouve ça effectivement très dur de me sentir concerné par une voix et une guitare simples : je suis exigeant ! Peut-être parce qu'une partie des pleurnicheurs folkeux, notamment non-anglophones, ont l'impression que c'est facile. Ils ont raison : c'est très facile d'être médiocre. Il suffit de composer un morceau bizarre sur une guitare désaccordée, et de chanter " euw " pour faire croire qu'on a l'accent américain. Mais les originaux sur lesquels ils s'appuient n'ont pas fait " exprès " d'être flous ou bancals, alors qu'eux le font en esthètes ! David Fair, de Half Japanese, dit quelque chose de très beau à ce propos : " On sonne peut-être bancal, mais en faisant du mieux qu'on peut. Les groupes qui, à l'inverse, s'efforcent de jouer bancal, sont à côté de la plaque. "


Cela dit, j'arrive toujours à être touché, quand je sens l'application d'un Lemoine, par exemple, à faire quelque chose de beau et simple.


Tu as joué avec ton groupe les hidden tracks le 12 novembre au batofar : que retires tu de cette expérience ? Es-tu satisfait de votre prestation ? Les morceaux sonnaient assez différemment que sur disque. C'était moins mélancolique, plus " festif ", plus improvisé… Est-ce qu'on peut s'attendre à chaque live à quelque chose de totalement différent ?


Oui ! Les Hiddentracks sont un collectif d'une dizaine de musiciens ; je profite de ça pour faire de chaque concert une prestation unique. Par exemple, le 29.12 au House of Live, je serai tout seul avec une guitare et mon habituel échantillonneur pour faire des boucles rythmiques live.


Pour ce concert-là, seuls les garçons du collectif étaient présents (trombone, saxophone, nappes et notes de guitare, sons de vinyles, xylophone et percussions). Je compte faire un concert avec seulement les filles - cordes et flûte (peut-être fin février à la Guinguette Pirate).


Les morceaux sont toujours différents du disque grâce à cela. Nous répétons très peu tous ensemble, il s'agit vraiment de performances - même si chaque musicien connaît bien les chansons sur l'album et répète pour soi. D'où la place importante laissée à l'improvisation à la fin ou au début des morceaux, et à tout ce qui peut se passer, selon le lieu, les bruits du public, etc.


Le concert au Batofar avait des allures de manifeste, nous avions envie de revendiquer ce choix du danger. Comme l'a dit Francis, on avait tous " des choses à dire ". Du coup le concert a eu des passages assez expérimentaux, ce qui a peut-être laissé certains fans de folk classique perplexes... Mais parmi les gens à qui le concert a plu, beaucoup sont venus nous voir, très enthousiastes, à la fin. Certains ont dit quelque chose de simple, mais qui m'a fait vraiment plaisir : " c'était beau ".


Une question de Clemsy : peux-tu nous faire partager ta dernière claque culturelle ? (ciné, book, zic, théâtre …)


J'en ai évoqué certaines plus haut : le monde de Marc-Antoine Mathieu, qui me fascine ; le DVD de Half Japanese ; Up front de Booker Little, qui a le son de trompette le plus triste et touchant que j'aie jamais entendu.


J'écoute beaucoup l'album de Sharko, et celui de Stina Nordenstam.


Je ne connais presque rien en théâtre, mais je voudrais juste évoquer Evgueni Grichkovets, un comédien / auteur russe génial, parce que très drôle et très fin. J'ai vu sa pièce En même temps à St Etienne il y a quelques mois. Le thème (en gros, " tout faire en un seul mouvement ") m'a fait réfléchir à plein de trucs, sur Sun Ra, sur les glissements dans la musique en général, et dans celle que j'essaie de faire en particulier...


Une dernière chose : j'ai eu la surprise d'entendre quelques secondes d'une des chansons de teaser for : matter dans l'émission Capital sur M6 il y a deux semaines… le dernier endroit où l'on s'attendrait à entendre du Angil !! quelle a été ta réaction en l'apprenant ?


Un bon fou rire ! C'est d'autant plus marrant que Gilles (alias Lunt, qui a produit l'album) imite à la perfection les voix " M6 ", et qu'il le faisait beaucoup pendant le mix de Teaser for: matter... Il va falloir qu'on fasse gaffe à ce qu'on dit !


J'espère juste qu'M6 n'a pas envoyé de fric à la Sacem pour ça. Ce serait de l'argent gaspillé.



Interview par Imogen
le 14/11/2004

Tags : Angil

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