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Prikosnovenie

: Interview avec Prikosnovenie




Premièrement, pourrais-tu expliquer ce qui t'as poussé un jour à faire rimer travail et passion ?


Au départ, créer un label était seulement un hobby, né de la rencontre avec Sabine Adélaïde. Puis peu à peu, des choses se font, ça marche un peu. Ensuite, la passion devient tellement forte qu'il ne serait plus possible de pouvoir travailler ailleurs. Tout se met en place dans ma vie autour de ça, consciemment ou inconsciemment, peut-être parce qu'au début je n'avais pas l'espoir d'en vivre. Après, au bout de 6 ans de "bénévolat", j'ai pu commencer à en vivre. Je me rend compte à présent que je n'aurais pu exercer aucun autre métier. Mais j'aurais pu travailler ailleurs. Seulement, mes efforts auraient été dirigés vers mon projet de fond, au-delà des nécessités naturelles comme subvenir à ses besoins ou manger. J'ai fait des tas de petits boulots. je travaillais le matin et l'après-midi je me concentrais sur le label. Et puis un jour, après m'être acharné pendant 6 ans, la concrétisation c'est fait par le biais d'un CES. Je m'en souviens, c'était vraiment la fête ici. Obtenir un peu d'argent au travers de la passion, c'était énorme.
Et pourtant le CES, c'était quoi ? Je te parle en franc, y'en avait pour 3500 balles ! Mais bon, symboliquement c'était une reconnaissance sociale me disant " tu peux continuer à le faire". Aujourd'hui je suis salarié, j'ai quitté le dispositif CES. C'est la première année. Mon salaire est payé sans aucune subvention. On verra pour le bilan, à la fin de l'année.
Tout s'est fait petit à petit. Au début, comme je le disais juste avant, c'est la passion, puis tout devient plus carré, les aides à l'emploi arrivent, certains disques marchent un peu, la reconnaissance arrive elle aussi, des distributeurs nous prennent etc... Tout s'est fait progressivement, pierre par pierre, comme pour une maison. On ne sait pas au début à quoi va ressembler la maison; on sait simplement que l'on veut en faire une.


La scène qu'on qualifiera de "fairy music" est elle actuellement en pleine expansion ou bien dans une sorte de latence qui tendrait à s'estomper ?


Nous venons d'un milieu baigné par la musique gothique et new-wave des années 80, mais notre véritable volonté est la liberté. On fait ce qui nous plaît à nous. Mais nous n'appartenons pas à cette tendance. Si je devais définir une tendance actuelle se serait, la musique féerique, celtique ... Difficile de parler réellement de scène. On trouve des gens qui viennent du courant des années 80, des écolos, les nouvelles spiritualités, les nouvelles politiques, le new-age etc .. c'est de plus en plus large au niveau du public. Nous avons organisé un concert le 18 à Rennes "La nuit des fées" et ce fût une bonne surprise de voir des enfants, des personnes d'une cinquantaine d'années, des gothiques, des amateurs de sonorités celtiques et au niveau des couleurs, du mélange, c'était plutôt réussi. Pas noir de noir. Je reconnais qu'à une certaine époque, je me suis senti un peu prisonnier d'un courant, d'une appartenance. Mais petit à petit, les pochettes d'albums se veulent plus colorées, avec des groupes pas forcément à tendance sombre, qui apporte de la lumière, accompagnée de mélancolie, de choses très profondes. C'est une façon de se distinguer d'une scène plus noire, dépressive. C'est un constat dans la réalité, cette époque dite sombre, correspond plus à notre adolescence, mais pas à ce que nous sommes devenus aujourd'hui. Et puis voir notre public, c'était merveilleux.


Est il aisé pour Prikosnovenie de trouver, de rencontrer ses artistes ?


Disons qu'à l'heure actuelle nous n'avons plus de problèmes pour sélectionner nos artistes. Beaucoup de demandes offrent beaucoup de choix. En revanche prendre des décisions quant aux directions que nous décidons de suivre, c'est moins évident. Nous nous sommes donné une direction. Il y a eu une période durant laquelle nous avions plusieurs secteurs musicaux distincts comme Iris, Lytch ou encore Hod, mais les gens étaient un peu perdus, sans doute d'ailleurs à cause de cet éclectisme. Nous avons donc tout rassemblé sous le terme de Fairy world ("World féérique"). Ce qui nous offrait deux angles d'attaque pour signer les groupes : d'un côté la tendance World, avec des instruments du monde, et d'un autre côté, l'inspiration féerique. A l'intérieur on trouve de la musique électronique, de la musique plus ambiante etc. ... Toujours avec ce concept d'emblée. Par exemple quelque chose de purement électronique, aujourd'hui on ne le ferait plus. PHAGZ ou RECLUSION avec qui nous avons travaillé par le passé, ne seraient pas sélectionnés maintenant. THE ATLAS PROJECT, on le ferait. ORANGE BLOSSOM, on le ferait. Actuellement nous sommes en discussion avec un groupe nantais mêlant electronica et son ethnique. Il est important également que le groupe tourne. C'est le meilleur moyen de propager la bonne parole !


Sur la compilation parue récemment et intitulée "Fairy World", deux artistes on retenu mon attention. Il s'agit de IRFAN et ANASSANE. Pourrais tu nous parler un peu d'eux, puisqu'il semble que se soit des artistes à la carrière encore relativement jeune ?


ANASSANE est d'origine malienne. C'est un peu un pari de notre part, car le public a parfois plus l'habitude des rythmes martiaux que des rythmes africains. Irfan est un groupe bulgare. J'avais reçu une démo d'un autre groupe bulgare, très intéressante, dans un style plutôt ethnique. Ce que j'entends par ethnique, se sont des jeunes d'une trentaine d'années qui font leur musique ethnique. Pas forcement traditionnelle, mais ethnique. Et donc, ce groupe en question n'avait pas de voix féminines. Je leur ai demandé s'ils connaissaient un autre projet avec du chant féminin, et c'est ainsi que je suis entré en contact avec IRFAN. Je ne les ai pas encore rencontré personnellement. Leurs réferences sont principalement la musique traditionnelle bulgare, DEAD CAN DANCE (ça se sent dans l'album), et aussi SOEUR MARIE KEIRHOUZ ou SARBAND. Je me suis rendu compte qu'au sein du label, beaucoup de groupes sont en recherche de spiritualité, réfléchissent par apport à la religion. Je pense donc qu'ils sont religieux, mais pas religieux dans le sens où on l'entend, ce ne sont pas des dévots. La religion, la spiritualité reste importante.


13 ans après, penses-tu avoir atteint les objectifs que tu t'étais fixés au début ?


Comme je le disais tout à l'heure, je n'avais pas vraiment d'objectif au tout début. Plutôt une intention. L'intention de faire de la musique, produire de la musique. Mais au final , cela dépasse les rêves. Et ça va si vite, que je ne peux rien prévoir pour un an, deux ans, à l'avance. La vie me réserve tant de choses surprenantes que je ne peux pas prévoir. L'intention de notre structure aujourd'hui est bien définie : apporter des choses qui nourrissent les gens. C'est une vraie expérience de construire un label, de former une équipe. C'est, humblement, donner au gens le bonheur que moi-même j'ai eu à être quelqu'un de passionné. Les critères ne sont pas commerciaux. Nous avons la chance d'avoir un très bon retour, mais il y a tout de même une réalité économique. Cela va de paire avec l'objectif de toucher les gens. Par exemple avec ANASSANE ... non pas que l'on se fiche des retombées, mais nous on aime. Et lorsque les actions sont faites avec sincérité, en général, le public suit. ORANGE BLOSSOM, ils continuent de tourner. En parallèle, nous continuons de vendre le premier album, notre meilleur vente à l'heure actuelle. Ils sont à la recherche d'un grand label, et tout ce que nous souhaitons, c'est qu'ils y parviennent. Pour eux et pour nous. Tout se fait sur la longueur. Confiance et patience. Autre exemple, PINKNRUBY. Une chanteuse slovène accompagnée d'une guitare et c'est reparti. 70ème album, on repart de zéro, personne ne connaît.


As-tu été inspiré par d'autres labels pour débuter PRIKOSNOVENIE ?


La notion de label est très pointue et réservée aux vrais passionnés. Mais s'il fallait en citer au moins deux, ce serait 4AD, un des premiers labels à ma connaissance qui entretenait une image de marque. le second plus militant, s'appelait VISA. Eux avaient un côté bien plus dur, du genre "les majors sont des pourris, la SACEM sont des pourris !!". C'est vrai, je voulais associer les deux, l'esthétisme et le militantisme. Malgré tout, 4AD est devenu plutôt creux. Il y avait un concept, mais c'était devenu vide, sans profondeur. Et je parle bien du label, pas des groupes. J'aimerais développer une image de marque, alliée à un certain humanisme. En conservant le côté artisanal, ne pas se perdre à cause de l'argent.


Le label compte-t-il s'ouvrir à d'autres champs d'activités dans le futur ?


C'est difficilement prévisible. Ce sera sans doute du côté de la vidéo, l'image. Il me semble que l'une des directions que nous pourrions prendre serait la musique thérapeutique, l'alliance de l'art et de la guérison, c'est une dimension importante.


Y aura-t-il d'autres tournées à venir, comme il y eût LOUISA JOHN-KROL et GOR récemment ?


APRICE se dessine pour l'année prochaine. Il nous faudrait un partenaire tourneur, car c'est très différent faire des disques et organiser des concerts. Les concerts c'est pas notre truc, physiquement parlant et aussi au niveau du temps. On recherche un tourneur qui pourrait faire jouer nos groupes. On a déjà trouvé un petit réseau pour nos artistes. Mais au niveau concerts, nous avons décidé d'en faire un par an. Financièrement il n'y a que très peu de retombées, mais cela nous permet de rencontrer notre public. C'est tout de même beaucoup de travail pour un soir. Il nous manque donc un tourneur.
Je revient un instant sur le mélange musique et image. Actuellement LISA GERRARD travaille sur la BO de "La passion du Christ", de Mel Gibson, et il y a de forte chance pour que GOR se joigne au projet. Je sent une ouverture vers les musiques de film, ce serait merveilleux. Il y a cette quête de toucher le plus grand nombre.


Penses-tu que PRIKOSNOVENIE démontre avec réussite le fait que la musique se moque des clivages et des frontières ?


Pour moi, la réussite vient de notre recherche à suivre le plus possible le chemin de l'authenticité. La réussite c'est faire quelque chose qui avant tout, me plaise. Ensuite les gens adhèrent, où n'adhèrent pas d'ailleurs.


Quelques questions sur ton projet musical, LYS, à présent. Ton apport au sein du groupe est important, (Samples, chant, percussions, travail de production, etc..) te considères-tu comme un chef d'orchestre ou comme un membre à part entière ?


En fait c'est simple, LYS est mon projet. J'avais besoin d'accompagnateurs sur certains morceaux, pour me mettre en confiance. Pour le second album, je suis seul.


On dit qu'un artiste à entre 10 et 20 ans pour sortir son premier album, et entre 1 et 3 pour le second. "Roi lune" était il un projet de longue date, ou plutôt le fruit d'opportunités, de temps et d'inspiration ?


Sabine (Adélaïde) et moi nous ne nous considérons pas comme des managers, mais plutôt comme des artistes qui apprennent à devenir manager. J'avais envie en tant qu'artiste de faire quelque chose à côté. Au bout de 7 ou 8 morceaux créés, je me suis dit "Maintenant c'est bon, ça peut donner un disque". C'est l'opportunité. J'ai eu plein de bons échos, c'était très surprenant. La musique correspond à mon énergie intérieure. Pour le second album en préparation, j'ai fait un grand travail de "nettoyage", d'autocensure. Dans le fond rien n'a changé, mais dans la forme oui. Le temps a passé, j'ai changé. La création du successeur de "Roi lune" est déjà plus passionnante.


Un nouvel album est donc prévu ?


En février 2004 normalement.


Sur "Roi lune" on peut entendre intervenir de nombreux artistes de Prikosnovenie, comme Phil Von (VON MAGNET), Francesco Banchini (Gor), Jérôme Soudan (MIMETIC) ou encore Christian Wolz.. L'esprit communautaire du label semble très développé. Est ce une sorte de marque de fabrique ?


C'est avant tout une question d'envie. Tous viennent de différents pays, et tous on des choses en commun. Je l'avais vu pendant les "Love sessions". Un grecque, un italien, un français, une australienne... Ils n'ont pas la même culture, mais musicalement il y a un terrain d'entente mutuelle très intéressant. C'est une vraie réussite humaine. Ca c'est poursuivit pour LYS, sans compter les "Love sessions 2", actuellement en préparation. Rencontrer la voix de l'autre, rencontrer son jeu et le reconnaître ; c'est comme faire l'amour et créer quelque chose d'hybride, qui n'appartient ni à moi , ni à lui. A l'écoute on retrouve les influences de chacun et c'est ça qui est passionnant. En tout cas de nombreux projets basés sur ces rencontres-mélanges sont prévus dans le futur.


Quels groupes ou courants musicaux t'ont inspiré pour la composition de "Roi lune" ?


La musique ethnique, la musique des balkans, la musique ambiante, la musique indienne, mes origines de coeur également qui sont le Caucase, Natacha Atlas etc... On retrouve tout ça avec ma personnalité. Le deuxième LYS sera plus dépouillé, moins axé sur les ruptures. Besoin de rupture qui vient d'un groupe qui m'a beaucoup influencé, appelé ESTEPEO, qui faisait une musique révoltée, en rupture. Mais je ne suis plus tellement dans mon élément aujourd'hui avec des musiques dites rebelles. J'aime ce qui amène à la paix intérieur, la transe méditative. DENEZ PRIGENT, MARI BOINE, eux ils vont loin, et peuvent aller encore plus loin. Tout se mélange et reste authentique. J'aime beaucoup le travail de VON MAGNET, même si j'ai l'impression qu'ils font la même chose depuis 10 ans. Je cherche à me brancher sur la sincérité de l'autre. Je suis touché par ceux qui dépassent la forme. Il ne devrait pas y avoir 20 styles de musique, mais un style par artiste. Nous sommes tous différents, il est donc logique de disposer d'une infinité de "styles". Même si c'est dur à caser, pour la FNAC par exemple, qui ne sait jamais dans quel bac mettre les albums.


Aura-t-on la chance de voir LYS en concert un jour ?


Peut-être ... Mais pas dans le cadre d'un concert classique. Plutôt un spectacle de danse accompagné de la musique. En tout cas, il faut une bonne préparation pour réussir à reproduire sur scène, l'idée que je me fait d'une telle représentation , dans ma tête.


En conclusion, et comme pour tous les autres interviewés auparavant, j'aimerais que tu définisses le monde dans lequel tu vis en 5 termes.


Métamorphose, amour, lumière, rencontre et libération. voilà !



Interview par Yragael
le 23/12/2003

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