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Radiohead

: A Moon Shaped Pool



sortie : 2016
label : XL Recordings
style : Pop

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Tracklist :
1/ Burn the Witch 2/ Daydreaming 3/ Decks Dark 4/ Desert Island Disk 5/ Ful Stop 6/ Glass Eyes 7/ Identikit 8/ The Numbers 9/ Present Tense 10/ Tinker Tailor Soldier Sailor Rich Man Poor Man Beggar Man Thief 11/ True Love Waits

Le 8 mai dernier, une nouvelle lune fit son apparition dans le ciel. Audible plutôt que visible, elle éclipsa le reste de l'actualité musicale par une simple annonce officielle, mettant enfin un terme à plus de 5 ans de silence. L'attente était là, démesurée mais justifiée, et le groupe s'en est donné à coeur joie pour soigner son retour. Ce retour médiatique minutieusement planifié se manifesta d'abord par le vide via un teasing étrange dans lequel Radiohead disparaîssait progressivement de tous les réseaux sociaux, faisant ainsi parler d'eux non pas par leur présence mais par leur absence. En créant le désir par le manque, cette disparition était autant un de ces malins coups marketing dont le groupe a le secret - et surtout la carrure internationale pour pouvoir se le permettre - qu'une belle promesse de renouvellement. Tout effacer puis réécrire autre chose par dessus. Mais quoi ? Disparaître afin de mieux réapparaître. Mais sous quelle forme ?

Chaque nouveau disque de Radiohead s'accompagne d'un triste phénomène qui voit la presse s'empresser de dire tout ce qu'elle a à dire sur l'album en question. C'est triste car leurs albums, et particulièrement celui-ci, ne méritent pas un tel traitement à la va-vite. Ils se digèrent, s'appréhendent comme des oeuvres cohérentes, se visitent et se revisitent, ils demandent du temps pour mieux révéler leurs richesses. Pour mieux se révéler tout simplement. Et il est vrai qu'en quelques jours tout a déjà été dit sur A Moon Shaped Pool dans une course aux critiques que les Inrocks remportent haut la main en ayant dégainé leur avis seulement 2 heures après la sortie digitale de l'album qui en dure déjà une.

Si donner son avis sur le quintet d'Oxford est devenu si important c'est que le groupe trace depuis le séminal OK Computer en 1997 une route qui ne ressemble qu'à la leur, et s'offre comme la plus belle anomalie de ces 20 dernières années d'indie pop et de rock dit "intelligent" voire "adulte". Avec quelques grands disques au compteur et des ruptures de style marquantes (le binôme Kid A / Amnesiac au début des années 2000), Radiohead est encore maintenant surveillé de près tel un groupe porteur d'espoirs et de promesses quasi révolutionnaires. Et à chaque nouvelle oeuvre repose sur leurs épaules l'avenir de la pop toute entière alors qu'ils n'en ont jamais autant demandé.

La haute tenue de cet A Moon Shaped Pool vient d'abord nous rappeler que Radiohead est une anomalie assez remarquable car elle dure, perdure et ne cesse de prouver que les brillants éclats du passé n'étaient pas d'heureux accidents. Leur précédent album, le sous-estimé The King of Limbs (2011), avait pourtant été relativement négligé alors que le groupe y poussait notamment certaines recherches sonores dans leurs derniers retranchements (Bloom, Feral). C'est ainsi: l'étrange pas de danse de Radiohead entre pop de haute volée et expérimentations peut déconcerter.

Mais si la froideur minimale de The King of Limbs a pu déplaire après les beautés extatiques d' In Rainbows (2007), c'est un retour à la chaleur d'une pop ouverte aux grands espaces et directement plus accessible que propose cette fois le groupe avec ce neuvième opus. Un album inépuisable qui, pour sa densité assez impressionnante et son équilibre parfait entre modestie et ambition sereine, n'est pas sans rappeler une autre lune qui avait délicieusement traversé la voûte céleste en son temps: celle de Pink Floyd avec The Dark Side of the Moon. Ainsi A Moon Shaped Pool est une oeuvre somme qui réunit sous forme d'abécédaire (les titres sont rangés par ordre alphabétique) toutes les sensations contraires dont le groupe s'est nourri au fil de sa discographie dans un bain lunaire tenu à la baguette par l'orchestration du London Contemporary Orchestra sans jamais sombrer dans la pop lourdement symphonique.

Ces cordes achèvent d'emporter l'univers musical de Radiohead vers un souffle nouveau rappelant parfois le Scott Walker des débuts (la sublime Glass Eyes, une des chansons les plus déstabilisantes de l'album) mais louchant surtout vers les musiques signées par le guitariste Jonny Greenwood pour les trois derniers films de Paul Thomas Anderson, qui réalise par ailleurs le clip de la magnifique Daydreaming (ci-dessous). Thom Yorke a quant-à-lui laissé de côté ses travaux électroniques qu'il préfère peut-être développer en solo (le beau Tomorrow's Modern Boxes en 2014) et pose ici une voix qui n'a jamais été aussi claire et apaisée. Car c'est bel et bien une forme d'apaisement traversé de quelques tumultes qui va guider ce disque classieux de A à Z. Ou plutôt de B à T.

De la lettre B comme Burn The Witch, mise en bouche tonitruante annonçant la présence des cordes, à la lettre T comme True Love Waits, chanson datant de 1995 ayant juste attendu le bon moment pour être enregistrée, c'est-à-dire après être devenue l'ombre d'elle-même, Thom Yorke ayant récemment rompu après 23 ans de vie commune ("Half of my life" dit-il du haut de ses 47 ans sur Daydreaming) ; tout en passant par la lettre D comme Desert Island Disk, petite respiration folk Nick Drakienne ou encore la lettre I comme Identikit et sa mélodie lumineuse qui se déploie et se redéploie, et la lettre P comme Present Tense et sa dérive majestueuse vers l'ambiance bossa nova ; tout culmine ici à des hauteurs que peu atteignent de nos jours, surtout après une telle longévité.

Parler de hauteurs est certainement maladroit tant l'album semble plutôt se révéler dans les profondeurs, sinon abyssales, du moins purement émotionnelles, là où le quintet nous avait habitué à un aspect plus cérébral de sa musique. Car s'il y a bien une nouveauté chez les anglais aujourd'hui, c'est la présence du coeur aux côtés des cerveaux, une présence chaleureuse qui met l'accent sur la beauté limpide et évidente de ces nouvelles compositions plutôt que sur leur complexité reléguée ici au second plan et nous échappant quelque peu. Si à l'avenir le coeur se joint ainsi à leur musique, Radiohead ont encore de merveilleuses années devant eux.



Chroniqué par Romain
le 17/05/2016

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