April March & Aquaserge: ou comment un mélange culturel passe inaperçu. L'américaine Elinore Blake devenue
April March n'en finit pas d'explorer la culture musicale française. Depuis ses reprises de
Serge Gainsbourg (
Gainsbourgsion en 1995), elle fait revivre la culture yéyé, bouclant ainsi cet échange entre le monde anglophone et le monde francophone qui a commencé dans les années 60.
Avec une telle signature musicale, rien d'étonnant à ce que
April March collabore avec les toulousains de
Aquaserge. Eux ont préféré porter le prénom de cette figure de la chanson française. Entre
Aquaserge,
Ce très cher Serge, et
Gainsbourgsion, on peut avoir l'impression d'un territoire assez réduit. Et la peur d'un revival supplémentaire pointe lorsqu'on lance l'écoute de l'album. Mais l'enfermement semble être l'interdit majeur de ce groupe à la composition mouvante. Du yéyé à la noise ou au kraut, ce laboratoire n'en finit pas de participer aux parcours d'autres groupes ou chanteurs (
Stereolab,
Bertrand Burgalat,
Tahiti 80) que ce soit individuellement ou en groupe.
Que ressort-il de ce chassé croisé ? Un album frais, rempli de références connues de tous, une sorte de pochette surprise de quarante minutes. Douze titres en français et en anglais ( il faudrait presque confronter un auditeur français et un auditeur anglais pour comparer leur ressenti vis-à-vis de cette alternance), de la pop et du rock, des voix sixties entre yéyé et début de psyché. En fait, on se décroche peu à peu de ces influences car c'est une nouvelle pop qui s'invente.
Love Is A Maze en est peut-être le meilleur exemple. Les chœurs sixties qui interviennent à plusieurs reprises dans le morceau sont autant d'éléments d'une culture musicale qui vont être réemployés, réembranchés sur des dispositifs actuels.
Au delà de cette décomposition d'un univers musical en autant de séquences réemployables, l'album se présente comme un parcours mettant en scène une même sensibilité. En fait, la plongée dans l'univers des sixties (notamment dans les six premiers titres) permet de mettre en avant la douceur et la légèreté de la chanteuse. Certains titres comme
Spirals ne sont pas sans rappeler les mélodies de
Tennis, autre groupe cultivant la plongée dans la pop des années 50 et 60 pour nous offrir des bulles de musique ouatées à souhait. Après
Des Tics Et Des Tocs et un détour par les années 80 et les chansons de
Lio, la seconde moitié de l'album dévoile une plus grande tension: des sons noises (
Love Is A Maze) ou garages (
Pourquoi parce que) réhaussent la douceur de la voix de
April March, telle une nouvelle
Françoise Hardy. Oui, l'album est bien une caresse musicale: le dernier morceau joué au piano,
April March laissant la place à une voix masculine, en est l'ultime preuve.
Chroniqué par
Patrice Vibert
le 23/08/2013