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Aoki Takamasa

: RV8



sortie : 2013
label : Raster-Noton
style : click'n cuts / house music

achat/téléchargement

Tracklist :
01/ Rhythm Variation 01
02/ Rhythm Variation 02
03/ Rhythm Variation 03
04/ Rhythm Variation 04
05/ Rhythm Variation 05
06/ Rhythm Variation 06
07/ Rhythm Variation 07
08/ Rhythm Variation 08

Photographe mélancolique et urbain, producteur depuis le début des années 2000 d'une musique électronique mutante et hautement "dansable", Aoki Takamasa appartient à cette génération de musiciens juvéniles mais ultra-réactifs et caméléons, qui ont totalement intégré dans les circuits imprimés qui leur servent d'encéphale, tout le caractère fluctuant et réversible des tendances musicales d'aujourd'hui. Au cours de sa jeune carrière, le japonais a déjà balayé un large spectre de styles et de courants aussitôt ravalés dans les souterrains de l'histoire, surfant sur la vague IDM, glitch ou ambient pour finir démembreur de beats derrière son laptop et auteur, à l'occasion, de simulacre j-pop plein de zébrures, notamment aux côtés de la fée Tujiko Noriko.

Bref, derrière son air d'ingénu, Aoki Takamasa est déjà un professionnel du décadrage, un semeur de fausses pistes, qui pourrait, en touchant trois potards, vous faire passer les codes du Bauhaus pour une école du cool ou transformer une équation mathématique complexe en musique de club syncopée et populiste comme pas deux. Le vinyle Rhythym Variations paru en 2009 sur Raster-Noton est un des rares points d'accroche de sa carrière fulgurante. Point de départ aussi d'une véritable ascèse toute entière dédiée à l'exploration azimutée du rythme, qui trouve en RV8 un successeur/manifeste digne de ce nom. Voilà en effet un disque long-format attendu de longue date, forcément pléthorique et inépuisable, façon pour le producteur natif d'Osaka et exilé à Berlin, de rehausser son ambition à la hauteur des canons de Raster-Noton, d'aligner aussi le propos à la hauteur de celui d'un NHK'Koyxen ou d'un Grisha Lichtenberger, étoiles depuis peu propulsées au firmament.

Dans la plus pure tradition Notonienne, Takamasa génère en huit pistes interchangeables et ultra-fonctionnelles un continuum rythmique oscillant entre rigorisme faussement conceptuel et rebonds pop déroutant. Zigzaguant à l'envie entre ces deux pôles magnétiques - sévérité et ludisme - Takamasa s'ingénie à revitaliser le click'n cuts en replongeant l'héritage de Mille Pleateaux dans un bain pop régénérant. Mais loin de se laisser écraser par le poids d'un héritage croulant et sans pour autant jeter à bas les idoles, le Japonais fait preuve de modestie et préfère jouer d'infimes décadrages et décalages pour ouvrir des brèches vers un temps rêvé et délié de la house music. Télescopant ainsi au son d'une techno concassée et mathématique, click'n cuts d'un côté, house music de l'autre, Takamasa plastique la dance music de l'intérieur et fait exploser le bidule en projectiles incendiaires, livrant dans la confusion les avenues roides et minérales de Berlin à la moiteur contaminatrice des clubs de house music du Chicago interlope de la fin des années 80.

Taillés dans la froideur du cristal, les micro-beats constellés ou fragmentés de Takamasa jouent à un jeu d'arcade démentiel, sorte de tetris arty qui ressemblerait à s'y méprendre à un tableau de Kandinski. A l'intérieur de ce cadre géométrique taillé au laptop, les rythmes rebondissent sur eux-mêmes, s'entrechoquent ou épousent pour un temps les desseins plus organiques de nappes de cordes en plastique, de lignes de basses insidieusement chaloupées ou de sample ultra-référencés, claquement de mains et autre halètement nous ramenant encore et toujours à une histoire souterraine de la house music. On pense finalement à RV8 comme à un kaléidoscope de formes et de lignes géométriques particulièrement malin, plein de punchlines sonores assénées avec maestria et une troublante inventivité. C'est au final un opus de musique électronique froidemement alambiqué et jouisseur. Un témoignage solide d'un producteur en plein dans son époque et en total possession de ses moyens, qu'on aurait juste souhaité un peu plus transgresseur, un peu moins respectueux des traditions et des dogmes. En somme: un peu plus humain et dangereusement intuitif.

Mais de fait, RV8 n'est jamais très loin de faire éclore une forme bâtarde et subliminale de classicisme : le classicisme d'un futur à portée de main de la musique électronique, qui malgré les apparences, a toujours été dans les projets des cerveaux de Raster-Noton. Qui sait, RV8 est peut-être cet objet smart que nos descendants les robots écouteront devant un match de Roland Garros, un Perrier à la main avec vissé sur les oreilles, un casque dessiné par un de ces nouveaux rentiers du R&B américain. Bref, écouter Aoki Takamasa, c'est aussi soigner son standing : jouir de l'attitude avant de jouir du son pour lui-même. New-old-school : c'est une nouvelle manière d'écouter la musique électronique, à l'ère de la 4G, de l'imprimante 3d et de google earth qui conjugue la joie débonnaire du cerveau hyper-connecté au spleen du hipster en voie de robotisation. Smart donc...

Chroniqué par Mickael B.
le 19/06/2013

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