A la première écoute,
Quite A Way Away délivre une folk méditative d'une rare intensité. Et l'histoire de Gareth permet de comprendre où il a puisé la force qui lui permet d'atteindre cette tension. En effet, cet album fait suite à une longue période pendant laquelle il avait arrêté de composer, puisque les deux précédents albums ne faisaient que reprendre de vieux morceaux. Une coupure dans sa vie se produisit en effet en 2007 lorsqu'il tomba amoureux d'une fille vivant en Amérique du Sud. Il quitta donc son Écosse natale pour la rejoindre en Argentine. L'aventure aurait pu être considérée comme un cauchemar, puisqu'il se fit tirer dessus, attaquer par des chiens, et frôla l'accident d'avion. Mais, ces expériences aux allures initiatiques lui ont surtout fait prendre conscience de sa propre finitude et d'une forme de destinée puisque selon lui
"it was impossible that I had boarded this aircraft by chance (Il était impossible que je sois monté dans cet avion par hasard)".
Gareth Dickson n'est donc pas un jeune chanteur innocent en composant
Quite A Way Away en collaboration avec le label
12k. Sa folk teintée de post-rock est un art qui se nourrit de cette expérience singulière mais aussi d'un vrai parcours musical. Si on peut faire certains rapprochements avec des groupes de son univers, tel
Lambchop, l'album de
Dickson est surtout hanté par la figure de
Nick Drake. Fantôme si présent que ce jeune Ecossais s'est fait tribute artist pendant quelques années sous le nom de
Nicked Drake.
S'il s'agit ici de son deuxième vrai album, sa production musicale a démarré en 2005 avec deux EP proches du format album, avant de rassembler de vieux morceaux en 2009 et en 2010. Sa première collaboration avec le label
12k est étonnante au premier abord car ce label nous a habitué à suivre plutôt des groupes aux sonorités électroniques. Mais, le produit final est plus que remarquable est c'est le principal. La touche atmosphérique qui ressort de l'album montre par exemple l'influence de
Brian Eno, ce qui lui permet de s'intégrer parfaitement à l'ambient de certains fleurons du label.
Cette double expérience, existentielle et musicale, donne une dimension sensible, quasi mystique à l'album. Sept morceaux faisant une même place aux instruments, à la voix de Dickson et au silence. Ce dernier partenaire aura ainsi une place de choix dans
Noon comme s'il s'agissait de jouer à la limite de l'audible.
Get Together, morceau le plus long de l'album, ressemble à une véritable symphonie composée de plusieurs mouvements. Dickson a alors tout le loisir de laisser vibrer ses arpèges si harmonieux qu'on les retrouvera de titre en titre. Au milieu de l'album, le titre éponyme
Quite A Way Away, tout instrumental, semble atteindre la sérénité tant recherchée dans ces plaines sonores. Mais cette sérénité est vite ébréchée dans
This Is The Kiss. Une recherche du baiser qui culmine dans ce titre, le plus vif de l'album, donnant l'impression d'un cycle sans fin. Mais cette quête désespérée trouve sa récompense dans
Happy Easters, joyaux de l'album, une harmonie crépusculaire où la mélodie disparaît quasiment, à telle point qu'on croirait entendre le silence.
Avec
Quite A Way Away,
Gareth Dickson, à première vue très proche de la folk et de la country, sublime ces deux genres en leur donnant une dimension aérienne et expérimentale.
Chroniqué par
Patrice Vibert
le 01/02/2013